La teinture végétale

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Les principes de la teinture végétale se basent sur la connaissance des plantes tinctoriales et sur d’anciennes pratiques qui ont traversé les siècles. Présents dans la plupart des cultures à travers le monde, les colorants végétaux constituent d’ailleurs le volet le plus important de la teinture naturelle textile.

Aujourd’hui, cette catégorie de colorants naturels connaît un regain d’intérêt parce qu’elle représente une alternative durable et écologique à la teinture industrielle et aux colorants synthétiques. Le moment est venu de plonger dans la marmite afin d’en apprendre plus sur elle !

 

 

La teinture végétale, la reine des teintures naturelles

 

Dès le Néolithique, les humains se servaient des ressources disponibles dans leur environnement en tant que colorants. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la teinture naturelle d’origine minérale ou organique était la seule option possible pour colorer les fibres, bien évidemment naturelles elles aussi.

Dans les faits, l’utilisation de minéraux et d’invertébrés (cochenille, pourpre…) est toujours restée très minoritaire. La plupart des teintures couramment employées pour la coloration des fibres, fils, textiles, vanneries, cuir ou vêtements étaient d’origine végétale.

Les plantes tinctoriales ont donc fourni la majeure partie des colorants employés en teinture textile, jusqu’à l’aube de la « révolution chimique » qui a amené les scientifiques européens du XIXe siècle à exploiter le potentiel des pigments d’origine minérale.

Au début du XXe siècle, la teinture végétale a été supplantée par les colorants d’origine synthétique, puis pétrochimique. Dès lors, les teinturiers ont disposé de centaines, puis de milliers de couleurs stables, solides, peu onéreuses et faciles à produire à grande échelle, qui ne se contentaient pas de teindre les fibres naturelles, mais aussi les fibres modernes, qu’elles soient artificielles ou synthétiques

 

 

Les variétés de plantes tinctoriales

 

Aujourd’hui encore, les noms « bleu indigo », « rouge garance » ou « jaune safran » ne doivent rien au hasard. Bien qu’elles soient le plus souvent créées de manière artificielle, ces teintes portent encore le nom de la plante d’où elles étaient autrefois tirées.

Grâce à des savoir-faire ancestraux, la teinture végétale permet d’obtenir une palette de couleurs diversifiée, des nuances les plus douces et subtiles aux coloris les plus vifs et éclatants. Elle s’appuie sur un large éventail de plantes, ainsi que des champignons et des lichens. Une teinture végétale peut être obtenue à partir de feuilles ou fleurs, mais aussi de racines, d’écorce, de fruits, de légumes, de baies ou de noyaux

Dans cette grande famille, on retrouve différents végétaux bien connus pour leurs propriétés colorantes :

  • Bleu : pastel ou guède (Europe), indigotier (Inde et Moyen-Orient), persicaire à indigo (Asie), tournesol.
  • Rouge : rhizomes de garance, santal.
  • Orange : rocou
  • Vert : prêle, baie de sureau, iris, ou mélange de teintures bleues et jaunes.
  • Jaune : gaude (réséda), genêt des teinturiers, curcuma, carthame, thé du Paraguay, fleurs de safran, de camomille, vinettier (épine-vinette), fustet (sumac des teinturiers), callune (bruyère), mûrier, oignon…
  • Beige à brun : cachou, brou de noix, café, thé.
  • Noir : bois de campêche, acacia à cachou, résidus d’indigo.
  • Violet : rose trémière noire, fleur de souci, garance avec fer, campêche, groseille, phytolaque.

 

 

La teinture végétale dans les grandes lignes

 

Bain de mordançage

En dehors de l’indigo et de quelques autres plantes tinctoriales naturellement riches en tanins, en acide oxalique ou en alumine qui sont des « mordants naturels« , la plupart des colorants végétaux résistent mal, voire pas du tout au lavage et à la lumière. Ce manque d’affinité chimique avec les fibres nécessite généralement un mordançage. Le tissu est immergé dans un bain dans lequel ont été dissous des mordants (sels métalliques). Ces mordants se fixent sur les fibres afin qu’elles puissent mieux « accrocher » les molécules colorantes. Cette indispensable étape de préparation des textiles favorise la fixation et la tenue durable des couleurs les plus fragiles. Elle peut être effectuée avant, pendant ou après la teinture.

 

Teinture

Le teinturier commence par immerger les végétaux dans un bain afin qu’ils infusent et libèrent leurs molécules pigmentées. L’intensité du colorant est obtenue par décoction : le bain est maintenu à ébullition et lorsque la cuve est prête, le textile est plongé dans la solution. Ensuite, tout est question de température, de durée et surtout d’expérience !

En fonction de ces paramètres (température, durée…) mais aussi du type de mordant utilisé, les couleurs et les nuances varient sensiblement. L’une des caractéristiques de la teinture végétale est d’être assez aléatoire et au final, le résultat obtenu peut s’avérer totalement imprévu !

 

 

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Une « chimie naturelle »

 

Certes, les procédés de teinture végétale reposent essentiellement sur des méthodes et des matières premières naturelles, mais rien ne serait possible sans la chimie ! À la loupe, ce sont bel et bien des principes chimiques qui opèrent pour passer de la plante à la teinture, et de la fibre naturelle à la fibre colorée. Et si ces procédés ne sont pas toxiques, cela n’a pas toujours été le cas !

En des temps très anciens, les teinturiers utilisaient des mordants naturels : tanins, cendres de bois, sel marin, ou même urine. Ces méthodes d’antan 100% écologiques ont évolué vers des pratiques beaucoup plus nocives pour la santé et l’environnement, avec l’emploi de sels métalliques parfois issus de métaux lourds également utilisés en teinture conventionnelle : sels de plomb, d’étain, de chrome…

Fort heureusement, dans les ateliers de teinture végétale artisanale, on leur préfère aujourd’hui l’alun. Ce composé chimique minéral, qui peut être naturel ou synthétique, ne présente pas de risque avéré pour la santé.

Pour résumer, si la teinture végétale est indiscutablement plus saine et respectueuse de l’environnement que la teinture synthétique, cette appellation ne garantit pas un profil irréprochable d’un point de vue écologique. Tout dépend du processus de fabrication !

 

 

Quel avenir pour la teinture végétale dans la mode et l’industrie textile ?

 

Les procédés de teinture végétale ont de multiples avantages écologiques, mais leur coût reste très élevé car ils demandent énormément de temps, de minutie et ne permettent de produire que des volumes restreints.

Par ailleurs, plusieurs inconvénients empêchent leur mise en oeuvre à grande échelle dans l’industrie textile. Uniquement compatibles avec des fibres naturelles, ils nécessitent un savoir-faire maîtrisé pour obtenir des couleurs intenses et durables, sans garantie qu’elles soient uniformes et suivies.

En outre, il semble compliqué de basculer vers des volumes importants, ne serait-ce que pour rester dans une logique de responsabilité environnementale. Seule une agriculture intensive en monoculture – pas du tout écologique – pourrait fournir les matières premières nécessaires à une production à grande échelle. Pour toutes ces raisons, la teinture végétale écologique semble donc vouée à demeurer un produit artisanal d’exception.

Toutefois, l’histoire de la teinture est en train de connaître un tournant avec l’apparition de colorants et pigments obtenus grâce à des processus innovants mêlant fermentation et chimie verte. En dépassant les limites rencontrées par la teinture végétale artisanale, ces biomatériaux colorants apparaissent comme des solutions prometteuses pour s’affranchir des colorants issus de la pétrochimie. L’avenir de la teinture dans l’industrie textile semble se dessiner une fois encore grâce à la chimie, mais il s’agit désormais de chimie verte et de biosourcing

 

 

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Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.