Biosourcing : les dernières nouveautés

Biosourcing ecovative textileaddict

©ecovative

 

En quelques années seulement, le biosourcing est devenu un levier majeur de la transition écologique. Qu’on les nomme biomatériaux, éco-matériaux, matériaux biosourcés ou biodérivés, l’industrie textile attend beaucoup de cette nouvelle famille de produits issus de la biomasse et développés grâce aux biotechnologies (biofabrication, biosynthèse reposant sur la chimie verte ou raisonnée, etc.)

Plusieurs entreprises pionnières produisent et commercialisent déjà des fibres dérivées de végétaux terrestres ou aquatiques, de champignons, de micro-organismes ou de protéines… Partout dans le monde, des startups imaginent et développent les « écotextiles » de demain, conçus à partir de ressources renouvelables, voire de déchets agroalimentaires. Quelles sont les dernières avancées du bio-sourcing, ce concept qui cristallise les principaux enjeux environnementaux ?

 

 

L’essor des matériaux biosourcés

 

En février dernier, le Salon Première Vision Paris accueillait de nombreuses startups de la mode durable. Nombre d’entre elles sont devenues les ambassadeurs des textiles biosourcés auprès des créateurs et du public, avec des matières étonnantes nommées Desserto®, Piñatex® ou Forager®… Lors de cet événement, il a été question de biosourcing, mais aussi de recyclage, de traçabilité et de dégradabilité, 4 notions essentielles pour la mode circulaire. L’occasion de faire un tour d’horizon de quelques entreprises en plein essor qui puisent leurs matières premières dans le monde vivant, des déchets agricoles aux champignons, pour décarboner la planète.

 

Après le cuir végan, Ananas Anam dévoile son fil textile

Après créé le Piñatex® en transformant les feuilles d’ananas en substitut de cuir, végan et végétal, Ananas Anam élargit son offre en exploitant le potentiel de ces déchets de récolte dans du fil textile. Officiellement présentée au salon Première Vision, Piñayarn® est une fibre d’ananas 100% végétale naturellement respirante, biodégradable et compostable, produite en boucle fermée et donc zéro déchet. Piñayarn® peut être tissée, tricotée et utilisée pour confectionner des chaussures, de l’habillement ou des accessoires.

 

Bananatex®

Sans surprise, la banane est dans l’ADN de Bananatex®, et plus précisément les feuilles des bananiers Abaca cultivés aux Philippines. Bananatex extrait les fibres de ces résidus de culture et les transforme en une matière textile technique durable. Ses multiples engagements en faveur de l’économie circulaire ont permis à Bananatex® de décrocher la certification « Cradle to Cradle Gold« .

 

Pyratex®

Pyratex® se consacre au développement de matières basées sur des fibres naturelles végétales et/ou recyclées, capables de se substituer aux fibres synthétiques courantes. Ses produits biosourcés constituent une gamme de tissus et de mailles haut de gamme, créés à partir d’algues, de maïs, d’écorces d’agrumes, etc. En outre, les textiles de chaque gamme sont produits localement (Portugal, Espagne, Italie, Mexique) et bénéficient d’une traçabilité exemplaire.

 

Desserto®

Au Mexique, Desserto se pique d’avoir imaginé de nouveaux débouchés au cactus. Pour ses produits, elle a choisi le figuier de Barbarie. Aussi nommée Nopal, cette variété de cactus essentiellement utilisée en tant qu’aliment ou composant pharmaceutique a le bon goût de d’absorber le CO2 de manière très efficace. De cette plante succulente, la startup sud-américaine tire un matériau végétal similaire au cuir naturel ou artificiel qu’elle décline en 2 gammes : Desserto® (mode, maroquinerie, emballage de luxe, ameublement) et Dessertex® (industrie automobile).

 

Ecovative

La nature faisant bien les choses, Ecovative a décidé de l’imiter. Cette entreprise s’est lancée dans la biofabrication et utilise les propriétés du mycélium (les filaments des champignons) pour développer des matériaux, en les faisant « pousser ».  La technologie développée permet à Ecovative de produire plusieurs gammes de matériaux textiles. AirMycelium®, uniquement composé de Mycelium®, se substitue à différentes matières textiles d’origine animale ou issues de ressources fossiles (cuir, plastique). Forager ®, 100 % végétal, est une alternative résistante aux peaux animales. Enfin, le matériau MycoComposite® repose sur l’assemblage de fibres de chanvre et de mycélium. Ses applications vont des emballages aux matériaux de construction.

 

 

Biosourcing Desserto cactus textileaddict©Desserto®

 

 

L’actualité du biosourcing

 

Le biosourcing au coeur du programme d’innovation Fashion For Good

Depuis 5 ans, la plateforme d’innovation Fashion For Good joue le rôle d' »incubateur de nouvelles idées » en matière de mode durable. Ce programme sélectionne chaque année 8 à 15 startups et les accompagne durant 9 mois vers la validation de leur technologie, la mise en place d’un projet pilote… 159 innovateurs ont déjà pu bénéficier de cet accompagnement sur-mesure.

En 2022, l’entreprise britannique Modern Synthesis s’est distinguée avec un biomatériau non-tissé travaillé à l’échelle nanométrique. Leur plateforme biotechnologique est en effet dédiée à la production de nanocellulose, une fibre 8 fois plus légère que l’acier et beaucoup plus résistante, obtenue en « nourrissant » des bactéries présentes dans le thé Kombucha. Ce biomatériau peut se substituer à toute une palette de matières textiles allant du cuir au plastique, ouvrant la porte à de multiples applications, à commencer par les chaussures de sportswear.

La même année, Fashion For Good a soutenu le projet porté par les laboratoires Rubi : produire des biomatériaux cellulosiques à bilan carbone négatif, à partir d’émissions de CO2, sans eau, ni terre. Le procédé développé par Rubi repose sur un ensemble de réactions chimiques : sous l’effet catalyseur d’enzymes spécifiques, le carbone qui compose le CO2 est transformé en pâte de cellulose par polymérisation. Le produit obtenu est en tout point similaire aux textiles conventionnels (Lyocell et viscose).

Le programme d’innovation 2023 compte 12 nouveaux lauréats, parmi lesquels figurent 3 startups européennes axées sur le biosourcing.

POLYBION, à l’origine de CELIUM®, a développé une alternative haut de gamme aux cuirs d’origine animale ou synthétique. Cette startup espagnole « cultive » des bactéries et les nourrit avec des déchets de fruits pour produire un substitut de cuir composé de cellulose.

Au Royaume-Uni, SALTYCO innove avec BioPuff, un matériau de remplissage isolant et compostable composé d’un mélange de fibres végétales issues de zones humides régénérées.

Enfin, l’équipe néerlandaise de LAMORAL a convaincu la plateforme Fashion For Good avec son revêtement hydrofuge haute performance, exempt de substances fluorées et entièrement biosourcé.

 

 

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Fluff Stuff : en Finlande, un garnissage textile composé de roseaux

Avec leur rembourrage composé de fibres végétales, des étudiants finlandais apportent leur contribution à la mode durable. Accompagnée de 2 de leurs enseignants (un ingénieur et une designer), l’équipe a créé Fluff Stuff, un garnissage biosourcé à partir de roseaux (typha latifolia) cultivés dans des tourbières, des zones humides essentielles à la biodiversité. En plus de contribuer à la régénération d’un écosystème riche et précieux, ces fibres sont plus rapides à sécher et moins absorbantes que le duvet ou les fibres synthétiques. En attendant de croître, Fluff Stuff propose déjà un avant-goût de son produit dans une gamme de prototypes de vêtements et d’accessoires.

 

Du Lycra et du nylon biosourcés

Grâce au biosourcing, le polyamide et l’élasthanne, mauvais élèves de la mode durable, voient désormais l’avenir en vert.

The Lycra Company s’est associée avec l’entreprise Qore afin de produire des fibres d’élasthanne biosourcé à grande échelle. Cette nouvelle fibre élastique devrait afficher une composition à 70% de matières premières renouvelables afin de réduire de 44 % son empreinte environnementale par rapport à un élasthanne conventionnel. Pour limiter l’utilisation de ressources fossiles et conserver les performances du Lycra, elle intégrera la technologie QIRA® développée par Qore, du BDO (butane-1.4-diol) obtenu à partir de maïs.

Côté polyamide, Solvay a annoncé la création de son premier fil partiellement biosourcé, nommé Bio Amni®. Après 2 ans de recherches, ce produit vient compléter la gamme de produits durables Amni®, qui propose également Amni Soul Eco®, premier fil polyamide 100 % biodégradable, entièrement recyclable et réutilisable.

Après avoir développé différents polymères partiellement issus du monde végétal (nylon, polyester…), Toray annonce le lancement d’Ecodear N510®, sa première fibre de nylon entièrement biosourcée. Durable, aussi solide et résistante à la chaleur que le nylon 6.6, la fibre Ecodear N510® offre pour l’instant de meilleures performances que ses concurrents biosourcés, à commencer par une grande stabilité dimensionnelle. Sa commercialisation devrait débuter fin 2024.

Le fabricant de matériaux Covestro et la biotech Genomatica travaillent en partenariat sur la production industrielle de bio-HDMA végétal. Sur le plan de la qualité, les tests sont concluants. L’arrivée sur le marché d’une version biosourcée de ce précurseur du nylon très utilisé semble donc imminente, offrant des débouchés dans l’industrie textile mais aussi la construction, l’ameublement ou l’automobile.

 

Bio@tex, le nouveau laboratoire de biosourcing français

Après avoir remporté l’appel à projet lancé par l’INR (Institut National de la Recherche), l’entreprise textile Velcorex et l’IS2M Mulhouse (Institut de science des matériaux) associent leurs compétences pour mener des travaux de recherche au sein d’un laboratoire commun. Bio@tex se donne pour mission de concevoir des biomatériaux textiles innovants adaptés aux besoins de l’industrie, de l’idée au prototype.

 

De la soie végétalienne dans le secteur automobile

AmSilk, fournisseur de matériaux biotechnologiques à base de protéines de soie, a collaboré avec Mercedes pour la création des poignées de portière du concept car EQXX. La berline avant-gardiste et durable signée par le célèbre constructeur allemand s’est dotée d’élégantes sangles de portes en Biosteel®, prouvant que les biomatériaux textiles pouvaient répondre pleinement à l’ensemble des exigences du secteur automobile, sur le design comme sur la technique.

 

La chaussure de course Norda opte pour la fibre Bio-Dyneema® biosourcée

Jusqu’ici, la fibre de polyéthylène Dyneema® d’Avient possédait le statut de « fibre la plus résistante du monde ». Désormais, elle est aussi responsable, car biosourcée. Bio-Dyneema® conserve ses propriétés de légèreté, de résistance (traction, coupures, abrasion, aux produits chimiques, aux UV et affiche une réduction conséquente de son empreinte carbone en raison de son origine biologique. Ces arguments ont séduit la marque de chaussures de running Norda. La marque canadienne a choisi Bio-Dyneema® pour fabriquer la tige sans coutures du célèbre modèle 001, qui s’adapte ainsi de mieux en mieux à son environnement… et aux attentes des consommateurs.

 

 

Biosourcing teinture pili textileaddict©Pili

 

 

Les innovations du biosourcing dans l’ennoblissement textile

 

Prolonger la durée de vie des fibres et alléger leur entretien

Améliorer la qualité des textiles, c’est allonger leur cycle de vie. Partant de ce constat, Novozymes propose Fiberlife®, une solution de biopolissage basée sur les enzymes, ces protéines (biodégradables) capables de décomposer les fibres à l’échelle moléculaire. Après avoir développé la technologie de biopolissage Cellusoft® pour le coton, Novozymes a mis au point le même type de traitement pour 3 fibres artificielles cellulosiques (Lyocell, modal et viscose). Le traitement Fiberlife® optimise la teinture, permet aux textiles de gagner significativement en douceur, en brillance et en durabilité (et il assure une soixantaine de lavages sans bouloche).

La marque Pangaïa, quant à elle, a choisi l’huile essentielle de menthe poivrée pour garder les vêtements frais et réduire la fréquence des lavages. Plusieurs pièces de la collection Pangaïa sont traitées avec PPERMINT®, une alternative naturelle et écologique aux traitements antibactériens courants à base de métaux.

 

Pili, la teinture biosourcée

Le biosourcing prend des couleurs ! Les fondateurs de Pili sont français et ils ont choisi la chimie verte pour améliorer un volet particulièrement polluant de l’industrie textile : la teinture. Un peu comme pour le brassage de la bière, leur procédé basé sur la fermentation permet de produire des colorants et pigments industriels à l’aide de bactéries. Avec ce projet prometteur, Pili a réussi à lever les fonds suffisants pour assurer la production d’indigo biosourcé à grande échelle dès 2024, avant de se lancer dans l’aventure de la trichromie.

 

 

 

À lire :

Mode et Textile : le Bio-sourcing

Les biomatériaux

Biofabrication : quelles sont les dernières innovations ?

 

Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.