L’histoire de l’impression textile est étroitement liée à celle de la teinture. Les premiers tissus ornés de motifs imprimés sont apparus en Orient, il y a plusieurs millénaires. En Europe, il a fallu attendre l’époque moderne pour que les artisans se lancent à leur tour dans la fabrication de textiles imprimés. La révolution industrielle a ensuite permis à de nouvelles techniques d’impression d’émerger (impression au rouleau, au cadre plat…)
Aujourd’hui, l‘impression numérique et la sérigraphie (impression au cadre plat ou rotative) sont les techniques les plus utilisées.
Les premiers motifs textiles, apparus dès l’Antiquité
Les anciennes civilisations ont éprouvé très tôt l’envie de colorer, personnaliser et embellir leurs étoffes. Tout comme la teinture, l’impression est une branche de l’ennoblissement textile qui reposait au départ sur des procédés élémentaires. Pendant très longtemps, l’art d’imprimer des motifs consistait à appliquer des colorants naturels sur les étoffes à l’aide de pochoirs ou de pièces de bois gravées.
Il est généralement admis que les peuples d’Inde et de Mésopotamie imprimaient leurs textiles dès le IIe millénaire av. J.-C.
La Chine, quant à elle, imprimait déjà sur la soie à l’aide de blocs de bois sculpté deux siècles avant notre ère, posant les bases de l’impression à la planche.
Au VIIe siècle, le Japon maîtrisait l’art de l’impression au pochoir… sans se douter qu’il s’agissait de l’ancêtre de la sérigraphie !
En parallèle, d’autres procédés dérivés de la teinture et du tissage se sont développés sur plusieurs continents pour créer artisanalement des motifs textiles.
L’impression à la planche, technique prédominante jusqu’au XVIIIe siècle
L‘impression textile à la planche (xylographie) nécessite de graver un motif en relief sur une planche ou un bloc de bois dur, puis à l’enduire d’une substance colorante épaissie afin de l’utiliser comme un tampon, à l’aide d’un maillet ou d’une presse.
Ce procédé, déjà bien connu en Orient au Moyen-Âge, continue à se développer en Inde, en Chine et dans la vallée du Rhin entre le Xe et le XIVe siècle.
Les Indiennes, le déclic de l’impression textile en Occident
Au début du XVIIe siècle, de nouvelles voies maritimes simplifient les échanges commerciaux entre Orient et Occident. Le commerce du coton et l’importation d’étoffes se développent sur le continent européen.
Ces « curiosités » venues des Indes, du Siam, de Perse ou du Japon rencontrent le succès. De luxueuses soieries exotiques (damas, madras, pékin…) et de plus accessibles « Indiennes » (cotonnades blanches ou imprimées à la planche), séduisent toutes les classes sociales. Les motifs des Indiennes témoignent d’une maîtrise avancée de certaines techniques d’impression (mordançage et réserve), un savoir-faire encore méconnu des occidentaux. Elles sont également légères, douces et faciles d’entretien, autant d’atouts qui les démarquent du chanvre, du lin et des lourdes étoffes produites par les Soyeux lyonnais ou les Manufactures royales de laine…
Le premier atelier d’impression français se crée en 1648 à Marseille, d’autres lui emboîtent le pas. Tous ont pour ambition d’imiter ces étoffes en vogue, mais la qualité est rarement au rendez-vous (motifs maladroits, mauvaise tenue des couleurs au lavage…) Malgré tout, la popularité croissante des Indiennes inquiète les corporations déjà bien établies en France.
Louis XIV et son ministre Louvois décident d’agir pour protéger l’activité des manufactures françaises. En 1686, un arrêt du Conseil d’État interdit formellement le commerce, la production et même le port d’Indiennes, sans avoir l’effet escompté. Encouragé par la forte demande, l’« indiennage » se poursuit de manière clandestine. Pendant toute la période de prohibition, les procédés d’impression s’améliorent, conduisant à une levée de l’interdiction en 1759 et à un contrôle officiel de la qualité de la production.
À la fin du XVIIIe siècle, l’ensemble du territoire compte plus d’une centaine de fabriques de toiles indiennes. L’impression à la planche est alors la technique la plus utilisée en France. Elle sera peu à peu supplantée par des procédés mécaniques et disparaîtra en 1860… avant de réapparaître 10 ans plus tard grâce à William M. Morris, éditeur, imprimeur et fondateur du mouvement anglais Arts and Crafts.
Le procédé a perduré jusqu’au milieu du XXe siècle. Certains ateliers encore en possession d’anciens blocs de bois les utilisent toujours pour des séries exceptionnelles.
La toile de Jouy, témoin d’une période de transition
Vers 1760 apparaît une toile de coton d’un nouveau genre, ornée de motifs en camaïeu imprimés à la planche de bois. Cette indienne « made in France », créée par la manufacture Oberkampf de Jouy-en-Josas, prend le nom de son site de production le plus célèbre. La toile de Jouy est en phase avec son époque : personnages, animaux et paysages bucoliques composent de véritables scènes de genre appréciées par tous les publics. Ces motifs, identifiables par leur style, leur qualité d’exécution et la récurrence des thèmes, sont souvent signés par de grands noms de la peinture (notamment Jean-Baptiste Huet).
Dix ans après la création de la toile de Jouy, les planches de bois sont remplacées par des plaques de cuivre gravées en creux, permettant des effets d’ombre et lumière et la reproduction de dessins encore plus détaillés. Plus tard, ces plaques de cuivre flexibles sont adaptées sur des machines d’impression à tambours cylindriques, afin d’augmenter la capacité de production.
Le succès décline au début du XIXe siècle. La manufacture d’Oberkampf ferme ses portes en 1843, laissant derrière elle un riche catalogue de motifs. Loin d’être définitivement tombée en désuétude, la toile de Jouy revient régulièrement dans les tendances mode et déco.
Les grande avancées de l’histoire de l’impression textile au XIXe siècle
Mécanisation : l’impression au rouleau
À l’aube de la Révolution industrielle, la mécanisation de tous les secteurs de production bénéficie aussi à l’impression textile. En 1783, l’écossais Thomas Bell invente une machine équipée d’un rouleau de cuivre (gravure en creux) capable d’imprimer les étoffes. Durant le XIXe siècle, les machines à rouleaux gravés s’implantent dans de nombreuses fabriques d’impression. L’impression au rouleau est coûteuse, mais elle permet de produire rapidement de grandes longueurs de textiles imprimés, monochromes ou polychromes, en utilisant jusqu’à 16 rouleaux par machine et autant de bacs contenant les différentes couleurs d’impression.
plaque de cuivre gravée // rouleaux de cuivre gravés
Chimie : nouveaux colorants, nouveaux procédés
L’impression textile bénéficie des progrès réalisés en chimie, qui font évoluer la palette de couleurs grâce aux premiers colorants synthétiques développés suite à la découverte de la mauvéine.
Ces avancées permettent également d’améliorer les procédés d’impression directe (application de pâte d’impression colorée sur un textile clair ou blanchi) ou au rongeant (élimination de la couleur d’un tissu teint par application d’un produit chimique).
Quels sont les procédés d’impression textile en fonction des colorants ?
L’histoire de l’impression au XXe siècle : sérigraphie, transfert et impression numérique
Les procédés sérigraphiques, un tournant dans l’impression textile
Lyon est connue pour avoir été le berceau de l’impression au cadre plat (cadre à la lyonnaise) au milieu du XIXe siècle. C’est dans la région Rhône-Alpes qu’est apparue cette technique d’impression dérivée du pochoir, réalisée par aplats de couleurs successifs (tons directs) à l’aide de cadres. Pourtant, le premier brevet concernant le Silk screen printing est déposé aux États-Unis par un américain, Samuel Simon, en 1907.
En 1928, toujours aux USA, la technique se perfectionne grâce à Joe Ulano, peintre d’enseignes, qui découvre de manière inattendue un film souple très facile à découper. Ce « vernis » est utilisé en sérigraphie comme couche photosensible dès 1930. L’impression au cadre plat s’impose jusqu’au début des années 1960.
En 1962, le principe du cadre plat est transposé à un cylindre microperforé. Aujourd’hui, l’impression au cadre rotatif est toujours la technique dominante dans l’industrie textile pour les grandes séries, offrant une vitesse d’impression moyenne de 40 mètres par minute.
L’impression par transfert, innovation des années 1960
En 1957, l’ingénieur Noël de Plasse expérimente la sublimation de certains colorants (passage de l’état solide à l’état gazeux) et invente l’impression par transfert. L’image à reproduire est imprimée sur un support en papier, puis appliquée sur le textile et thermofixée. Cette méthode est compatible avec la plupart des textiles synthétiques.
En 1965, l’impression par transfert est adoptée par la filature Prouvost et Masurel, qui enregistre la technique sous le nom de Sublistatic.
Les années 1970 : l’histoire de l’impression entre dans l’ère numérique
À partir de 1975, l’informatique ouvre de nouvelles voies à l’industrie de l’impression textile. L’impression numérique peut s’appliquer à l’impression digitale (jet d’encre) ou à l’impression par transfert et permet de reproduire toutes sortes d’images par quadrichromie, avec un nombre de couleurs illimité. Réservée au départ aux produits épais (tapis, etc.), elle est utilisée depuis la fin des années 1990 pour imprimer de petites séries dans l’habillement ou l’ameublement, ainsi que pour de l’échantillonnage ou de la personnalisation.
À l’heure des bilans écologiques, l’impression numérique apparaît comme une solution d’impression textile moins exigeante en ressources et moins polluante que les procédés sérigraphiques.
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