L’histoire des textiles en Inde

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L’histoire des textiles en Inde est l’une des plus anciennes du monde. La diversité de son artisanat témoigne d’un savoir-faire étendu, perpétué par les tisseurs, imprimeurs, peintres, teinturiers et brodeurs. On y répertorie une multitude d’étoffes traditionnelles différentes selon les régions, les ethnies, les religions, les rituels, le rang social ou le statut marital… Ce « patchwork » de matières et de couleurs illustre parfaitement la richesse culturelle d’un pays qui, rappelons-le, est actuellement l’un des plus grands producteurs mondiaux de textile. Prêt(e) à retracer l’histoire des textiles en Inde ?

 

 

Les textiles en Inde, du néolithique à nos jours

 

La vallée de l’Indus, berceau des textiles en Inde

L’origine des textiles en Inde remonte à plusieurs millénaires. Dans la vallée de l’Indus, le coton était déjà connu pendant la Préhistoire, à l’époque néolithique.

Le site archéologique de Mehrgahr (actuel Pakistan) a révélé le plus ancien fragment de coton jamais découvert, vieux de 7 000 ans.

La présence de papillons de nuit sur les sites de Mohenjo-Daro et d’Harappa, plus de 2 000 ans avant notre ère, laisse penser que la civilisation de l’Indus connaissait la fibre de soie. À cette époque, les artisans locaux filaient, tissaient et teignaient les textiles à l’aide de pigments naturels, comme le prouvent les cuves de teinture et les fibres de coton teint (garance) retrouvées à Mohenjo-Daro.

 

L’histoire de la teinture

 

 

Le temps des échanges entre l’Orient et l’Occident

Différents textes mésopotamiens, védiques, bouddhiques, assyriens et babyloniens écrits entre le XVe siècle et et le IIe siècle av. J.-C. offrent un éclairage sur la fabrication des tissus et les échanges commerciaux entre l’Inde et la Mésopotamie. Ces écrits font de multiples références au brocart, à la broderie ou à l’impression, des techniques apparues très tôt en Inde.

À partir du IVe siècle av. J.-C., les conquêtes d’Alexandre le Grand, puis l’ouverture de la Route de la soie (env. 250 av. J.-C.) contribuent au développement des échanges entre la civilisation grecque, le Moyen-Orient et l’Asie Centrale.

Ces liaisons commerciales facilitent la diffusion des textiles en coton vers le bassin méditerranéen et l’Asie centrale entre le VIe siècle av. J.-C. et le XVe siècle ap. J.-C., comme en attestent de nombreuses pièces d’étoffes d’origine indienne découvertes dans les montagnes de l’Altaï, au Turkestan et en Égypte.

Des textes datant de la période Gupta (du IIIe siècle au VIe siècle) mentionnent 18 guildes d’artisans au nord de l’Inde : tisserands de soie, vendeurs de serviettes, imprimeurs de calicot, tailleurs… Au VIIe siècle, on pratique déjà l’art du Bandhyamana (Bhandani) en teignant les textiles selon le procédé tye and dye.

 

 

histoire des textiles en Inde textileaddictLongueur de jupe, vers 1850, Kutch, Inde, satin de soie, brodée au point de chaînette avec du fil de soie. Musée n°. 791A-1852. © Victoria and Albert Museum, London

 

 

La période médiévale

Durant cette période indo-musulmane qui s’étend du VIIIe siècle au XVIe siècle, la production et les relations commerciales avec la Chine s’intensifient. En revanche, les invasions des Huns mettent un terme aux échanges entre « les Indes » et l’Occident. Ceux-ci ne reprendront qu’à partir de la période coloniale.

Les sultanats turcs et afghans marquent le développement de la culture indo-persane, qui connaîtra son apogée sous l’Empire moghol. Cette fusion d’influences débouche sur l' »âge d’or » des textiles en Inde. La période est propice au développement et au perfectionnement de nombreuses spécialités de tissage et d’embellissement, qui resteront ancrées dans les traditions textiles indiennes. Le Patola, textile teint précurseur de l’ikat, apparaît dès la fin du XIIIe siècle. Dans le Cachemire, on commence à tisser des tapis sur des métiers verticaux. Au XIVe siècle, les brocarts intègrent des fils de métal (or, argent) et l’impression au bloc est maîtrisée.

 

Quelles sont les techniques d’impression textile ?

 

 

L’Empire moghol et la période coloniale

En 1498, l’arrivée de Vasco de Gama dans le Kerala amorce le début de la période coloniale. Sous l’influence de l’Empire moghol, plusieurs régions du sous-continent indien deviennent d’importants centres de production et de négoce de textiles. Le Gujarat est spécialisé dans l’impression au bloc, l’Andhra Pradesh dans l’art du kalamkari, le Cachemire dans le tissage de châles, de tapis et la broderie à l’aiguille. La ville de Lahore est réputée pour ses tapis, Dhaka pour sa mousseline, Patan pour son Patola, Golconda pour son chintz…

Les somptueux vêtements royaux de l’époque illustrent la maîtrise avancée d’une multitude de savoir-faire. Ils intègrent la mousseline, la soie et les brocarts d’or, le velours, les broderies sophistiquées et les motifs paisley.

Alors que l’industrie textile joue un rôle prépondérant dans l’économie, l’Inde du XVIe siècle voit apparaître les premières compagnies commerciales européennes, les « comptoirs des Indes« . Dès lors, les textiles indiens sont importés en France, dans l’Empire britannique, aux Pays-Bas… L’appropriation culturelle n’étant pas encore d’actualité, ces marchandises exotiques deviennent une source d’inspiration pour les artisans européens, qui cherchent à les imiter. Le madras, les indiennes de coton, le gourgouran, le pékin ou le sirsacas (seersucker), originaires d’Inde, séduisent ainsi le Vieux Continent, tout comme les précieux pashminas, si populaires au XVIIIe siècle.

Au XIXe siècle, le pays est sous la domination britannique. La révolution industrielle prend son envol, la demande de coton explose dans le monde entier. Le développement de ce nouveau marché entraîne la création d’usines textiles à Calcutta en 1828, suivie par l’ouverture de la première filature de coton indien à Bombay en 1854.

L’artisanat textile devient marginal : le sous-continent indien se consacre désormais à l’industrie du coton, qui devient une ressource nationale majeure.

 

 

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Un retour aux sources et à l’indépendance

La fabrication de textiles tissés traditionnels ne réapparaît vraiment qu’au début du XXe siècle, sous l’impulsion du Khadi, l’appel au boycott des textiles britanniques lancé par Gandhi aux populations rurales en 1920. Le mouvement nationaliste indien débouchera sur l’indépendance de l’Inde (1947) et sur sa partition en différents pays.

Depuis, l’artisanat textile en Inde a renoué avec ses traditions et retrouvé sa vivacité. Il se caractérise par une grande variété d’ornements, de motifs chamarrés, obtenus grâce à différents procédés de tissage, de broderie ou de coloration (teinture, peinture ou impression textile). Généralement organisée en coopératives, la production textile artisanale coexiste avec la production industrialisée. Assurée par une main d’oeuvre généralement masculine, elle privilégie l’utilisation du coton (la fibre la plus disponible en Inde) et de la soie, majoritairement importée d’Asie de l’Est, mais aussi d’Italie malgré l’existence d’une production locale diversifiée.

 

Fibre textile : le coton

 

 

L’influence des cultures tribales

Certains textiles d’Inde continuent de transmettre l’héritage des cultures tribales. Plusieurs peuples autochtones originaires du centre de l’Inde, historiquement nomades ou dispersés au fil du temps, ont perpétué des coutumes ancestrales jusqu’à nos jours. Bien que ces communautés n’aient pas connu de grande tradition de textiles tissés, elles ont favorisé la diffusion et l’évolution de plusieurs pratiques artisanales en Inde : broderies multicolores, parfois ornées de coquillages (cauris), de graines ou de pompons, tissage de motifs géométriques stylisés, utilisation de plantes tinctoriales locales… Dans de nombreuses régions, ces vestiges de cultures anciennes (tribus Banjara, Naga, Bhils, Gond, Koli…) subsistent encore dans l’art populaire.

 

 

histoire des textiles en Inde sari textileaddictSari Baluchar, vers 1855, Bahadarpur, Inde, soie rouge avec motifs jaunes, blancs et noirs. Musée n°. 6102(EST).© Victoria and Albert Museum, London

 

 

Le sari, porte-étendard des textiles en Inde

On dit souvent que le sari, le vêtement féminin traditionnel, n’a pas d’équivalent dans le monde. Selon les régions et les traditions, on porte plutôt le sari Sambalpuri, Pochampally, ChanderiKanchiparam, Kalamkari ou Bhagalpuri… Ultra-polyvalente, cette pièce emblématique incarne à elle seule toute la diversité des tissus et motifs en Inde. Peinte, imprimée ou tissée façon ikat, en coton ou en soie (Eri, Mysore, Muga, Kosa…), tissée d’or ou d’argent (zari) cette simple bande d’étoffe de 6 à 9 mètres de long se décline de mille et une façons… avec presque autant de manières de la draper !

Si le sari demeure un bel exemple de créativité et de savoir-faire, il ne représente qu’une facette de l’art du textile en Inde. À l’heure actuelle, l’Inde se distingue également par ses nombreuses autres spécialités, telles que les broderies Shisha et Banjara, les châles Phulkari , les étoffes tissées Panchachuli ou les pashminas

 

 

L’upcycling des textiles en Inde (jugaad), un concept ancré dans les traditions

Face à une telle productivité, on peut se demander ce que deviennent les étoffes indiennes en fin de vie. Comme dans nombre de régions du monde, le recyclage n’est pas systématique, cependant la réutilisation des textiles est une tradition bien établie en Inde.

Par exemple, dans le désert du Thar (Rajahstan), pas question de gaspiller les tissus usagés : on pratique depuis longtemps l’art du patchwork (Ralli quilt). Cette technique d’appliqué inversé ressemble beaucoup à la broderie perse ou aux molas d’Amérique du Sud. Un peu partout en Inde, des robes de mariée ou des tenues de danseuse sont créées à partir de patchworks de tissu recyclé. On pourrait aussi évoquer l’art du kantha, pratiqué depuis 1 000 ans dans le Bengale occidental et certaines parties de l’Odisha ou du Bihar. Cette tradition, qui a inspiré les boutis du sud de la France, consiste à superposer et coudre ensemble plusieurs épaisseurs d’étoffes usées (vieux saris, dhotis…), puis à les broder. Toutes ces initiatives créatives, développées par nécessité, sont amplement justifiées par la beauté des textiles artisanaux en Inde, mais aussi par les valeurs, les symboles et les traditions qu’ils incarnent.

Enfin, la philosophie jugaad (« détournement ») – l’équivalent indien de l’upcycling – semble gagner du terrain dans ce pays déjà sensibilisé à l’économie et à l’optimisation des ressources. Y compris dans le secteur de la mode, où les initiatives de surcyclage fleurissent : alors que des entreprises indiennes collectent le plastique pour le transformer en fibres textiles, certains labels puisent dans les déchets de l’industrie textile pour sourcer leurs matières premières.

 

 

 

À lire :

Les motifs et tissus en Inde

L’histoire de l’impression textile

Histoire du tissu provençal et de l’imprimé provençal

Le kimono, l’incontournable japonais

 

Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.

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