La laine, une fibre naturelle ancestrale

laine fibre_TextileAddict

Chaque hiver, la laine se rappelle à notre bon souvenir, venant nous réconforter et surtout nous tenir chaud. Depuis quelques années, cette fibre naturelle ancestrale retrouve même quelques couleurs sur les podiums des grands créateurs et continue aussi d’être au cœur d’une tendance nordique toujours autant d’actualité, le Hygge, cet art danois du bien-être à la maison. Alors, d’où vient-elle ? Comment est-elle fabriquée ? Quelles sont les vertus de cette fibre câline ? Détricotons donc ensemble cette matière première séculaire…

 

 

Qu’est-ce que la laine ?

 

Nous nous servons des fibres kératiniques (à base de kératine) de beaucoup d’animaux qu’il s’agisse du lapin, de la chèvre, du lama ou encore du chameau, mais évidemment ce sont les phanères de la toison du mouton qui sont le plus couramment utilisés pour confectionner nos vêtements. D’ailleurs, lorsque l’on parle de laine d’un autre animal que le mouton, celle-ci porte souvent un nom plus précis. Ainsi, la laine mohair est élaborée à partir des poils de la chèvre angora, le cachemire à partir des poils de chèvre dite cachemire et l’angora est une laine fabriquée avec la toison du lapin albinos ou angora.

 

La laine, la matière première

Les moutons sont tondus chaque année, au printemps. Juste après la tonte, le pelage obtenu n’a pas tout à fait l’allure d’une toison d’or. Il est constitué de 2 types de poils :

  • les jarres : poils de surface durs et grossiers qui protègent l’animal des intempéries
  • le duvet : poils assez courts, fins et ondulés. Ce sont ces poils très isolants qui sont utilisés en tant que fibre textile.

 

L’ensemble de la toison est enduit de suint : un mélange de sueur, de suintine (substance graisseuse protectrice et lubrifiante produite par les glandes sébacées du mouton) et d’impuretés diverses (souillures, végétaux, etc.).

Une fois triée et débarrassée de son suint, la laine représente seulement 50 % de la toison.

 

La fibre de laine

Les fibres de laine sont cylindriques et frisées. Elles mesurent de 15 mm à 300 mm de longueur et leur diamètre varie entre 15 et 40 microns. Les fibres les plus fines sont aussi les plus appréciées et les plus chères.

Côté structure et chimie, la fibre de laine est assez proche des cheveux humains. Elle se compose d’un cortex enroulé en spirale et entouré d’une cuticule d’écailles saillantes orientées dans le même sens.

Ces écailles caractéristiques permettent d’obtenir une laine peignée ou lustrée en respectant le « sens du poil », ou de procéder à un feutrage en soumettant les fibres à un frottement « à rebrousse-poil » : les écailles s’écartent alors du cortex et s’accrochent les unes aux autres.

 

La composition chimique de la fibre de laine

La fibre de laine est un assemblage de molécules de kératine, une protéine constituée de 50 % de carbone, mais aussi d’hydrogène, d’oxygène, d’azote et de soufre.

La nature même de ces molécules, ainsi que leur regroupement en faisceaux de fibrilles de forme conique apportent une grande élasticité à la laine.

 

 

La laine, une fibre naturelle ancestrale_Textile Addict

 

 

 

Quelles sont ses origines ?

 

Remontons le temps. Si on trouve trace de la laine en Asie Mineure à l’âge de la pierre, il y a donc environ 10 000 ans, ce n’est que 500 ans plus tard que la fibre de mouton apparaît en Europe : le plus ancien textile de laine connu date de 1 500 av. J.-C. et a été retrouvé au fond d’un marais danois.

C’est un matériau qui se développe beaucoup dès le XIIIe siècle, le commerce de la laine devient alors le moteur économique d’une bonne partie de l’Europe, des Pays-Bas à l’Italie en passant par l’Espagne.

Et si l’industrie lainière poursuit son développement tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle, elle sera évidemment très durement concurrencée ensuite par d’autres fibres comme la soie et surtout le coton autour de 1750.

 

 

 

Comment fabrique-t-on le fil ?

 

Une fois tondue, la toison du mouton est récupérée, triée et débarrassée de toutes ses impuretés. Envoyée en usine, elle va tout d’abord suivre un très long processus de lavage.

L’opération suivante est celle du cardage. Objectif ? Démêler les fibres en les passant dans la carde, c’est un tambour garni de pointes d’acier qui tourne à très grande vitesse. Les fibres en sortent alors sous forme d’un ruban continu.

Vient ensuite le travail de filature proprement dit, c’est-à-dire la confection des fils à partir de ce ruban de carde. Afin d’obtenir des qualités de solidité, d’élasticité et de grosseur différentes, on fait subir à la laine des étirages successifs et différents sur les métiers à filer.

Bien sûr, la laine de mouton qui est naturellement blanche et écrue peut être teinte. À noter que cette teinture peut être appliquée juste après le lavage, sur les rubans de carde, sur les fils ou même encore après le tissage ou le tricotage.

 

Filature et filage : la préparation des fils

 

 

 

Une fibre aux multiples vertus

 

Les fibres de laine sont connues pour avoir de nombreuses propriétés textiles et chimiques. Vertus premières : la laine est résistante, élastique, flexible et très légère. Une fibre de laine est assez souple pour être tordue et repliée sur elle-même plus de 20 000 fois sans casser. Son élasticité lui permet ainsi un allongement de 30 % avant rupture et elle reprend sa forme après avoir été étirée ou comprimée.

La laine possède aussi une couche légèrement cireuse qui la rend résistante aux taches.

Autre avantage : la laine protège du froid, mais aussi du chaud en laissant la peau respirer de façon naturelle… eh oui, la laine authentique évite les problèmes de transpiration avec sa régulation thermique naturelle exceptionnelle ! Un avantage qui provient de sa structure même car ses fibres frisées emprisonnent l’air.

À noter aussi que la laine est à la fois hydrophobe (absorption et évaporation de l’eau très lente) et hygroscopique (absorption de l’humidité sous forme de vapeur d’eau).  Très peu perméable à l’eau sous une forme liquide, elle résiste donc au ruissellement, pas étonnant alors qu’on la retrouve dans la confection des cabans des marins. C’est une fibre qui peut ainsi absorber plus de 30 % de son poids en eau sans être mouillée au toucher et sans perdre son pouvoir isolant. Sa capacité à absorber l’humidité lui confère également de bonnes propriétés antistatiques pour repousser efficacement peluches et poussières.

Pas peur de l’eau, mais pas non plus du feu puisque la laine ne s’enflamme qu’à 560°C.

La laine est aussi une bonne claque aux mauvaises odeurs ! En effet, au contact de la laine, le pH de la sueur devient acide. Ainsi, les odeurs corporelles disparaissent et les champignons et bactéries ne prolifèrent pas.

Ses écailles peuvent s’enchevêtrer par simple action mécanique, lui donnant une bonne aptitude au feutrage.

D’un point de vue chimique, la laine présente une bonne résistance aux acides, mais elle est sensible aux substances alcalines et ne supporte pas tous les détergents.

Elle peut être colorée (pas à froid, mais à température modérée) et nécessite un traitement contre les mites, très friandes de la kératine qui la compose.

Enfin, n’oublions pas que la laine est aussi 100 % biodégradable et renouvelable puisque la toison d’un mouton repousse d’une année à l’autre  !

 

 

Besoin des conseils d'un spécialiste textile ?

Déposez gratuitement votre projet sur Textile Addict,
recevez des devis qualifiés et sélectionnez le freelance idéal.

 

 

 

Les différentes qualités de laine de mouton

 

Mérinos

Réputée pour sa douceur et sa grande finesse (entre 18 et 23 microns de diamètre), la laine mérinos provient d’une race de moutons originaire d’Espagne. Le mouton mérinos a ensuite été introduit en France  au XVIIIe siècle, puis en Australie. Aujourd’hui, les principaux élevages se trouvent en Nouvelle-Zélande.

 

Lambswool

Le lambswool est une laine très douce, obtenue lors de la première tonte d’agneaux âgés de 6 à 8 mois.

 

Shetland

La réputation de la laine dense et robuste des moutons des Îles Shetland n’est plus à faire et elle s’étend bien au-delà de l’Écosse. Les nuances de couleurs naturellement chinées (du blanc au noir, en passant par différentes gammes de brun et de gris) et le grand pouvoir thermique de cette fibre plutôt rustique ont contribué à son succès.

 

Laine vierge Woolmark

Le label Woolmark a été créé en 1964 pour garantir la composition d’un produit (100 % pure laine vierge) et sa qualité grâce à un contrôle à tous les stades de fabrication : résistance au lavage, à l’usure, aux déchirures, tenue des couleurs, finitions…

Pour s’adapter aux mélanges de fibres employés dans l’industrie textile, la Woolmark Company s’est ensuite diversifiée avec 2 autres labels : Woolmark Blend (produits contenant entre 50 % et 99 % de laine vierge) et Wool Blend (produits contenant entre 30 % et 49 % de laine vierge).

 

Tweed

Tout comme le tartan, le tweed est l’un des plus célèbres lainages du Royaume-Uni. Difficile de savoir si son nom vient du mot twill / tweel (en anglais et en scots) qui qualifie un « tissu croisé, sergé », ou d’un fleuve séparant l’Angleterre et l’Écosse dans lequel les tisserands du Moyen-âge lavaient leur laine. Toujours est-il que ce textile traditionnel anglo-saxon était à l’origine une simple toile de laine irrégulière, tissée à partir de la sombre et épaisse toison des moutons Scottish Blackface.

En offrant une protection efficace contre les intempéries (résistance à l’eau, isolation thermique…), ce tissu lourd et relativement rêche a d’abord été apprécié par les paysans anglais pour ses qualités pratiques.

Au milieu du XIXe siècle apparaissent les 2 types de tweeds les plus connus à ce jour : le cheviot tweed, fabriqué à partir de la laine épaisse du mouton cheviot, et le Harris tweed, traditionnellement fabriqué sur les Îles Hébrides. Au fil du temps, le Harris tweed gagne en légèreté et prend des couleurs. L’ajout de fils teintés grâce à des colorants végétaux (lichen, myrtille, crocus, tourbe…) permet de décliner le tweed dans des camaïeux de nuances naturelles. Après avoir été longtemps associé à la tenue du gentleman farmer, ce textile s’est démocratisé dans les années 1950. À carreaux ou uni, le tweed traditionnel se reconnaît facilement à son armure toile ou sergé (avec ou sans chevrons) et à ses coloris chinés, le plus souvent discrets.

 

Astrakan

L’astrakan est le nom du pelage soyeux et bouclé des agneaux nouveaux-nés Karakul, une race de moutons élevés principalement dans le Nord de l’Afghanistan et de l’Iran.

En Occident, l’astrakan est plus connu en tant que fourrure (toques, chapkas, manteaux) qu’en tant que fibre textile. La production d’astrakan a considérablement chuté depuis les années 1970 suite aux guerres ininterrompues dans les zones d’élevage de moutons Karakul et des campagnes contre le port de fourrure animale.

Plus rustique et beaucoup moins prisée, la laine issue de la toison des moutons Karakul adultes entre dans la composition des tapis de Boukhara.

 

 

 

La production de la laine

 

La production mondiale de laine est estimée à 2 millions de tonnes par an (source : FAO 2011), ce qui représente 1,9 % de la consommation mondiale de fibres textiles. En Europe, la consommation moyenne de laine est d’1 kg par habitant.

De nos jours, la laine de mouton est produite dans plus d’une centaine de pays. Parmi eux : la Chine (480 000 tonnes), l’Australie, la Nouvelle-Zélande (165 000 tonnes), le Royaume-Uni et l’Iran (60 000 tonnes).

La France, quant à elle, arrive très loin dans le classement avec seulement 15 000 tonnes de laine produites par an sur le territoire, dont 90 % sont exportés. Cette production, à la fois très hétérogène car issue de plus de 40 races de moutons différentes, et trop chargée en résidus végétaux et en jarres, est inadaptée à la confection d’articles de bonneterie ou de tissage. La laine destinée à la fabrication de ce type de produits est donc majoritairement importée.

En revanche, la laine française, bien connue pour son ressort et son gonflant, est notamment expédiée au Japon pour confectionner des futons, ainsi qu’en Allemagne (où on l’intègre à des couettes) et au Maroc, où elle entre dans la composition de tapis.

 

FILIÈRE LAINE FRANÇAISE : Le collectif Tricolor se met en place

 

 

 

Avancées technologiques et nouvelles laines

 

Une laine infeutrable et irrétrécissable

L’aptitude au feutrage de la laine présente certains avantages, mais complique l’entretien des lainages tricotés ou tissés qui supportent mal les frictions et les hautes températures.

Il est désormais possible de remédier à ces inconvénients grâce à un procédé de traitement en 2 étapes qui peut s’appliquer aux fibres, à un filé de laine ou encore à un produit fini :

  • l’oxydation permet de supprimer la pointe des écailles des fibres
  • le scellage de la surface des écailles, effectué par application d’un polymère synthétique, permet de combler les espaces entre les écailles afin d’éviter le feutrage.

Ces produits, commercialisés par plusieurs marques sous la dénomination Machine Washable Wool et Total Easy Care Wool, sont capables de supporter des cycles de lavage-séchage en machine sans rétrécir, ni feutrer.

 

Vers une laine transgénique ?

Des recherches sont menées afin de perfectionner la production et les caractéristiques de la laine en modifiant l’ADN des moutons (transgénèse). Si les expériences ne dépassent pas le cadre des laboratoires pour l’instant, à l’avenir, de nouvelles espèces d’animaux transgéniques pourraient voir le jour et produire des fibres de laine plus longues, plus fines et plus élastiques.

Les humains ont néanmoins cherché à améliorer la qualité de la laine bien avant d’expérimenter les techniques de transgénèse. La sélection systématique des races de moutons (qui peut aujourd’hui se baser sur le séquençage du génome) ainsi que le développement de nouveaux procédés de filage et de tissage ont permis d’obtenir des fibres de laine de plus en plus fines, notamment de laine mérinos.

Leur diamètre fait d’ailleurs l’objet d’une classification, avec des mentions telles que « Super 100’s« , « Super 150’s« , etc. Ainsi, un drap de laine tissé à partir de fibres nécessitant l’utilisation d’1 kg de laine pure pour produire 100 km de fil peut être commercialisé sous le label « Super 100’s », ce qui correspond à des fibres de laine de 17 à 18 microns de diamètre. De quoi envier la taille de guêpe de la fibre de laine la plus fine du monde, qui affiche un diamètre d’à peine 10,3 microns !

 

 

 

Une fibre éthique et écologique ?

 

La laine est certes biodégradable, il est pour autant difficile de dire qu’il s’agit d’une fibre éthique et écologique. En effet, comme tous les textiles, la laine a un impact certain sur l’écologie. On notera évidemment le recours à l’élevage intensif, mais aussi que la confection de cette fibre, pourtant totalement naturelle, réclame une forte consommation d’eau et d’énergie. Le poids de l’élevage ovin dans les émissions de gaz à effet de serre n’est pas négligeable non plus et les moutons d’élevage sont aussi régulièrement traités avec des insecticides, particulièrement dangereux pour notre planète. Et comme on n’arrête pas le progrès, dernier danger en date, on a désormais de plus en plus souvent recours à des moutons génétiquement modifiés pour qu’ils produisent plus de laine et soient plus résistants aux maladies !

Fort heureusement, des initiatives en faveur de la planète voient le jour, c’est par exemple le cas de la laine recyclée que l’on trouve désormais de plus en plus facilement sur internet et dans les magasins spécialisés et, parmi les marques pionnières, on notera : Ecolaine (Phildar), Triade (Cheval Blanc), Recyclaine (Bergère de France), Ribbon, etc. Certaines maisons se lancent aussi dans la confection de vêtements et d’accessoires en laine recyclée (Ubac, Chaussettes Orphelines, Pic de Nore ou encore Patagonia). Des marques qui font d’ailleurs régulièrement des collectes de vêtements en laine afin de les recycler. Pensez donc à eux car c’est un petit geste pour nous, mais très important pour notre chère Terre !

 

 

À lire :

La laine recyclée, la tendance éthique de l’hiver !

Les fibres naturelles

 

Les principales matières premières

 

Image de Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.

Articles connexes