Isolation mécanique des fibres des vêtements ©CETIA
Parlons recyclage textile ! Cette filière en construction mobilise les compétences autour d’enjeux écologiques et économiques qui nécessitent de voir loin, grand et circulaire.
Certaines nouveautés sont prometteuses : elles apportent des réponses aux défis environnementaux, à l’augmentation du prix des matières premières, et même à la volonté de redonner un nouveau souffle à l’industrie textile française… Ici et ailleurs, quelles sont les dernières avancées du recyclage textile ?
CETIA, des solutions de recyclage performantes pour le textile et le cuir
À Hendaye (Pays basque), le CETIA développe des solutions industrielles qui facilitent la valorisation des déchets textiles. Rien qu’en France, ce gisement de ressources inexploitées est estimé à 200 000 tonnes par an.
Aux commandes de cette plateforme d’innovations, Chloé Salmon-Legagneur mise sur le recyclage « textile-to-textile » pour « ne plus extraire de ressources, donner une seconde vie aux […] déchets textiles français qui partent à l’export, répondre à la flambée des prix des matières premières et retrouver notre souveraineté sur la matière et sur la production industrielle« . Ces arguments convaincants ont permis à la plateforme d’obtenir le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi des groupes Décathlon, Eram et Petit Bateau.
Pour concevoir ces solutions automatisées – et d’autres à venir -, le CETIA réunit des compétences dans différents domaines technologiques de pointe : robotique, IA, traitement d’image… Cette expertise lui permet d’innover à chaque étape de préparation au recyclage : identification des textiles, démantèlement (séparation des matériaux), détection (composition, couleur), tri (par composition et couleur) et enfin, préparation des fibres avant leur transfert dans des centres de revalorisation.
Ces process maîtrisés permettent d’obtenir des fibres recyclées réutilisables en tant que matières textiles, alors qu’actuellement la majorité des déchets textiles traités sont sous-cyclés. L’initiative du CETIA se révèle pertinente en regard du Pacte Vert européen, qui prévoit d’instaurer un pourcentage minimum de fibres recyclées dans la composition des matières.
Les premiers équipements, consacrés au chaussures et aux vêtements, sont opérationnels sur site depuis 2023. Ils ont déjà un beau rendement, permettant de trier les pièces d’après leur composition et leur couleur (1 pièce/seconde), de séparer les fibres des points durs sans les détériorer (600 kg/heure) ou de séparer les semelles des chaussures (120 paires/heure).
Le programme Fashion For Good 2023 accueille 2 innovations recyclage
QINGDAO AMINO MATERIAL TECHNOLOGY et IONCELL font partie des 12 startups qui bénéficient du soutien de Fashion For Good pendant 9 mois.
QINGDAO, implantée en Chine, est la première entreprise au monde capable de séparer et de recycler les matières textiles composées de polyester et d’élasthanne. Ces 2 fibres synthétiques étaient jusqu’ici réputées pour être très difficiles à retransformer lorsqu’elles étaient mélangées. Ce n’est plus le cas grâce au procédé chimique doux nommé Re:lastane qui permet de recycler le polyester pur, les fibres polyester/élasthanne mais aussi les mélanges polyester/nylon ou polyester/coton.
IONCELL est une startup finlandaise. Basée sur un nouveau solvant respectueux de l’environnement et recyclable, la technologie IONCELL® permet d’obtenir une viscose très résistante et soyeuse à partir de matériaux cellulosiques : déchets textiles, pâte à papier ou même vieux journaux.
Déposez gratuitement votre projet sur Textile Addict,Besoin des conseils d'un spécialiste textile ?
recevez des devis qualifiés et sélectionnez le freelance idéal.
Des pigments issus de déchets textiles
Dans la lignée de la teinture recyclée, une nouvelle voie de reconversion attend les millions de tonnes de vêtements jetés par les consommateurs chaque année.
En Australie, une équipe de chercheurs de l’IFM de Deakin (Institute for Frontier Materials) est récemment parvenue à extraire des pigments de vêtements usagés, préalablement triés par couleurs et broyés. Ces particules colorées peuvent être utilisées pour l’impression textile, la teinture, et même la peinture. Les pigments ont d’ailleurs déjà été testés par des artistes peintres, à l’occasion d’une exposition présentée sur le campus.
Une mesure d’importance pour les résidus de production
Dans le cadre de l’examen du projet de loi « Industrie verte » en juillet dernier, l’Assemblée Nationale a approuvé certaines mesures soutenant la logique d’économie circulaire.
D’un point de vue législatif, un simple changement de statut peut faire bouger les choses en faveur du recyclage. L’article en question prévoit un assouplissement des règles encadrant les « résidus de production industrielle » (dont font partie les déchets de production textile), « dès lors qu’ils ne présentent pas d’incidence globale nocive pour l’environnement ou pour la santé humaine« . Désormais considérés comme des résidus (et non plus comme des déchets), ces sous-produits ne seront plus soumis aux mêmes obligations et pourront ainsi être facilement réutilisés, recyclés et valorisés par des plateformes industrielles.
Du nouveau dans le recyclage du coton et du polyester mélangés
Séparer simplement le coton du polyester
L’Université de Copenhague a mis au point une « recette » qui permet de séparer les fibres de coton des fibres polyester, sans détruire l’une ou l’autre. Grâce à ce procédé chimique basé sur l’utilisation d’un solvant doux inoffensif et de bicarbonate d’ammonium, le polyester se « dépolymérise » et se détache lui-même du coton. Simple comme bonjour et donc facile à mettre en oeuvre à grande échelle, cette méthode devrait grandement faciliter la remise en circulation de 2 fibres que la mode aime utiliser sous la forme de polycoton, une matière jusqu’à présent difficile à recycler entièrement.
Lenzing : une viscose toujours plus verte grâce à Refibra
Grâce à la technologie Refibra, Lenzing s’ancre encore un peu plus dans la boucle de la circularité. Déjà mise en oeuvre dans la fabrication du Tencel®, Refibra permet maintenant au leader de la viscose durable d’intégrer jusqu’à 20 % de fibres cellulosiques recyclées à l’Ecovero®, un produit déjà vertueux par nature. À l’avenir, cette part de fibres issues de déchets textiles pré ou post-consommation en coton, ou coton et polyester mélangés devrait encore augmenter, assurant à l’Ecovero une place de choix parmi les fibres responsables.
La machine verte
Avec sa Green Machine, le HKRITA (Hong Kong Research Institute of Textiles and Apparel) propose une solution commercialisable à l’échelle industrielle pour séparer et recycler les mélanges coton/polyester. Le procédé permet de décomposer le polycoton pour obtenir d’une part une poudre de cellulose réutilisable (procédé viscose, applications agricoles…) et d’autre part des fibres de polyester prêtes à être réutilisées. Cette « grosse machine » a déjà été mise en place dans une entreprise indonésienne. Elle requiert seulement de l’eau, de la chaleur et un produit chimique (biodégradable) pour traiter 1,5 tonne de textile par jour.
Inventives, performantes, ces avancées donnent bon espoir quant à la transition écologique amorcée dans l’industrie textile. Avec la perspective, pour la France, d’occuper une position stratégique dans ce nouvel écosystème circulaire.
À lire :
Le Pacte vert, la nouvelle stratégie de l’Europe pour des textiles durables et circulaires
Cuir recyclé, la revalorisation des déchets et chutes de cuir
Loi AGEC, une loi anti-gaspillage pour une filière mode et textile plus transparente