Zero waste, presque similaire au cuir traditionnel par nature, le cuir recyclé est en phase avec la mode durable. Ce matériau, qui imite le cuir tout en le recyclant, permet d’optimiser l’utilisation d’une matière première à forte empreinte environnementale.
Sous l’influence de startups inventives, de nouvelles possibilités de transformation des déchets et chutes de cuir émergent, tendant vers plus de circularité. Ces procédés de surcyclage permettent de revaloriser les rebuts de l’industrie du cuir autrement, en les transformant en fibres textiles ou en matériaux haut de gamme innovants. Quelle est l’actualité du cuir recyclé ?
Qu’est-ce que le cuir recyclé ?
Le synderme, la version recyclée du cuir
Le cuir recyclé est utilisé depuis plusieurs décennies en tant que « cuir alternatif » dans les secteurs de la maroquinerie, de la reliure et de la chaussure. On le connaît également sous le nom de synderme, cuir régénéré, cuir reconstitué ou encore éco-cuir.
Chaque fabricant a ses propres méthodes et « recettes » de fabrication, mais dans la plupart des cas, ce matériau se compose en moyenne de 70 % de chutes et déchets de cuir naturel finement broyés, mélangés avec un liant (latex naturel ou synthétique) et de la colle, à hauteur de 30 %. Le mélange obtenu est étalé et/ou compressé, puis séché de façon à obtenir une fine couche de matière, parfois enduite sur un revêtement en fibres synthétiques. Cette feuille de cuir aggloméré peut faire l’objet de différentes finitions pour la teinter, modifier sa texture et créer un « grain » particulier.
À l’oeil et au toucher, le cuir recyclé ressemble à s’y méprendre au cuir conventionnel. Outre des qualités esthétiques similaires, un cuir recyclé de bonne qualité présente sensiblement les mêmes propriétés que le cuir naturel du point de vue de la solidité ou de la résistance à l’abrasion.
Le développement de produits haut de gamme a balayé l’image un peu « cheap » qui collait à la peau du cuir reconstitué. Contrairement au cuir synthétique, il n’est pas vegan, mais durable. Ses arguments en faveur de l’écologie l’imposent comme une bonne alternative au cuir naturel, au même titre que le cuir de poisson ou certains biomatériaux issus de déchets végétaux, de champignons…
Impact environnemental et coût réduits
Privilégier l’économie circulaire étant désormais une évidence, il serait dommage de gaspiller le cuir existant, qu’il s’agisse de déchets de fabrication ou de produits en fin de vie.
En jouant sur 3 volets majeurs de l’économie circulaire (réduire la production de déchets, recycler, réutiliser plutôt que jeter) le recours au cuir recyclé est un moyen de limiter l’impact environnemental de l’industrie du cuir (déforestation, pollution de l’eau, génération de gaz à effet de serre…) en (ré)utilisant des ressources disponibles. Une façon d’ « amortir » sur le long terme un bilan carbone assez pesant.
Par ailleurs, compte tenu de son origine, le cuir recyclé ne se contente pas d’être économe en ressources, il est généralement meilleur marché que le cuir en offrant des performances équivalentes.
Durable, mais pas entièrement circulaire
Comme beaucoup d’autres matériaux durables, le cuir recyclé allonge considérablement le cycle de vie du cuir, sans systématiquement « boucler la boucle » de la circularité. Que devient le synderme en fin de vie ? La plupart des cuirs recyclés intègrent des matières synthétiques qui constituent un frein au recyclage et à la biodégradabilité des produits. Certains fabricants privilégient le latex végétal naturel et les vernis à base d’eau, mais c’est encore loin d’être la norme. Ces caractéristiques permettent d’ailleurs de s’assurer qu’un produit est fabriqué de façon responsable, mais elles ne lui garantissent pas une fin de vie exemplaire… La réponse varie donc selon la composition et le mode de fabrication, des informations pas toujours simples à obtenir.
Les nouveautés du cuir recyclé
À l’heure actuelle, plusieurs entreprises ont pris la voie du cuir recyclé, choisissant de diversifier l’offre avec des matériaux aussi innovants qu’exemplaires sur le plan de la qualité et de la durabilité. En proposant de nouvelles pistes pour (re)valoriser les déchets de l’industrie du cuir, ces projets devraient contribuer à renforcer l’attractivité du secteur et favoriser une meilleure disponibilité des matières premières.
Recyc Leather surcycle les chutes de découpe des gants de jardin
Un gant se compose d’un assemblage de petites pièces. Mais que deviennent les résidus de matière, ces innombrables chutes de découpe des gants de travail en cuir ? Avant, pas grand-chose d’autre que des monceaux de déchets. De trop petite taille pour être réutilisés, ils étaient voués à la destruction. Aujourd’hui, Recyc Leather apporte une nouvelle réponse : désormais, ces déchets de production se transforment en cuir recyclé. Après avoir été déchiquetés, mélangés à du latex naturel et recouverts d’un vernis polyuréthane sans solvant, une deuxième vie les attend. Une vie plus prestigieuse, puisqu’ils deviennent un substitut de cuir haut de gamme. Ce cuir recyclé peut être utilisé pour confectionner des chaussures, ainsi qu’en décoration intérieure, maroquinerie ou packaging… Recyc Leather s’approvisionne en Chine auprès d’un fabricant industriel de gants de jardin. Ce choix d’un fournisseur unique garantit la parfaite traçabilité des produits de la gamme, qui va de la matière première aux articles finis.
système de recyclage pour transformer les chutes de gants de jardinage en nouveaux produits ©Recyc Leather
Respin, le cuir se recycle en fibre textile
Après avoir lancé une fibre cellulosique propre, durable et recyclable, Spinnova a décidé d’adapter sa technologie aux déchets de cuir pour les transformer, eux aussi, en fibre textile, sans substances chimiques nocives. Pour y parvenir, Spinnova s’est associée avec les tanneries de cuir KT Trading (fournisseurs de la célèbre marque danoise de chaussures ECCO), fondant la société Respin. Pari réussi : cette toute nouvelle « fibre de cuir » a déjà été produite à petite échelle sur une ligne pilote, et les prototypes et produits de démonstration sont en cours de développement. Après ECCO, d’autres marques sont appelées à rejoindre l’aventure Respin.
©Authentic Material / gamme QILIN
Authentic Material, une nouvelle voie de reconversion pour les déchets de cuir de l’industrie du luxe
Authentic Material a choisi de mettre de solides bases technologiques au service de l’économie circulaire, pour « valoriser des gisements de matières naturelles inexploitées, provenant de la confection des produits ou de stocks dormants« . Plus concrètement, cette startup florissante – qui a déjà déposé 8 brevets – propose aux marques devenir leur propre fournisseur en recyclant leurs pertes de matières naturelles. À partir de ces ressources réduites en poudre, Authentic Material crée de nouvelles matières recyclées et recyclables, 100 % d’origine naturelle. Elle « travaille » le cuir (70 % de sa production) mais aussi la corne, le bois ou les coquillages, sans pour autant se limiter à ces matériaux. Le bureau d’étude de la startup est à l’écoute des idées de ses clients, prêt à concevoir de nouvelles matières durables capables d’incarner l’essence d’une marque à partir de fleurs, de fruits…
Avec ces nouveaux matériaux design, haut de gamme et entièrement biosourcés, Authentic Material investit le secteur du luxe. Associée tout récemment avec Chanel, la startup toulousaine a déjà réussi à lever des fonds conséquents auprès d’investisseurs historiques pour industrialiser sa production. Authentic Material compte pour l’instant 2 gammes : Quilin (matériau composite biosourcé, transformable grâce aux procédés classiques de plasturgie) et Phoenix (matériau 100 % naturel, sans liant ni additif, obtenu par thermopressage). De nombreuses applications sont envisageables : accessoires de mode, maroquinerie, renforts de sacs, montures de lunettes, bijoux…
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