Le cuir de poisson

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Longtemps oublié par le secteur de la tannerie, le cuir de poisson refait surface, porté par la vague d’intérêt pour le surcyclage. Quelle est son histoire et comment le fabrique-t-on ? Nous avons suivi le courant à la (re)découverte du cuir marin, un matériau qui évolue dans la mode éthique comme un poisson dans l’eau !

 

 

Qu’est-ce que le cuir de poisson ?

 

Comme son nom l’indique, le cuir de poisson est une peau de poisson tannée. Après transformation, ce simple déchet alimentaire se métamorphose en un cuir d’exception, aussi « exotique » que le cuir de reptile. Apprécié pour sa finesse, sa solidité et sa résistance à l’eau, ce matériau venu des profondeurs est une belle alternative au cuir conventionnel. Il peut être utilisé pour confectionner des vêtements, des chaussures et accessoires de maroquinerie, ainsi qu’en ameublement et décoration intérieure (gainerie, reliure…)

 

 

L’histoire du tannage de poisson

 

L’apparition du cuir de poisson est difficile à dater, car il laisse peu de traces archéologiques. Le tannage du poisson semble être une tradition ancestrale présente dans de nombreuses communautés de pêcheurs. Il remonte à des temps où l’upcycling s’inscrivait encore naturellement dans la vie quotidienne des humains. Sans doute par respect envers la nature, mais surtout par nécessité… Profiter au mieux de toutes les ressources offertes par l’environnement était alors un réflexe de survie !

 

 

  • Un artisanat de pêcheurs

 

L’art de transformer la peau des poissons en cuir a donc été longtemps pratiqué par différents peuples vivant dans des zones côtières : Nord Est de la Chine, Japon, Nord canadien et Colombie britannique, Alaska, Sibérie, Laponie… Pêcher des poissons de mer ou de rivière (saumons, silures, carpes, etc.) permettait ainsi de se nourrir, mais aussi de se vêtir et de fabriquer des objets utilitaires. Bien avant l’invention du Gore-Tex®, le cuir de poisson était utilisé pour fabriquer des sacs, manteaux, moufles ou bottes solides et résistants à l’eau. Au cours du XXe siècle, l’artisanat du cuir de poisson a presque disparu, remplacé par de nouvelles matières solides, étanches et confortables produites de manière industrielle.

 

 

  • La France, pays du galuchat

 

Le tannage de poisson se pratiquait également dès le XVIe siècle en Europe. En France, on travaillait les peaux de raie pastenague et de requin pour fabriquer un cuir haut de gamme : le galuchat. Très en vogue jusqu’au XIXe siècle, ce cuir rare et ultra résistant est toujours apprécié en maroquinerie de luxe.

 

 

  • Le tannage de poisson aujourd’hui

 

La valorisation des déchets fait partie des nouveaux défis à relever pour préserver la planète. En permettant de surcycler des co-produits de la pêche, le tannage des peaux de poisson est donc plus d’actualité que jamais !

De plus en plus de passionnés redécouvrent les techniques artisanales. Certains développent de nouvelles solutions en s’inspirant des méthodes traditionnelles pour produire ce matériau de façon vertueuse. Ils privilégient le tannage végétal et les teintures non toxiques, vont chercher leurs fournisseurs dans le secteur agroalimentaire ou la restauration… D’une certaine façon, les matières premières qu’ils utilisent proviennent de nos assiettes ! Le cuir de poisson contemporain est en effet issu des produits classiques de la pêche : peaux de perche, saumon, truite ou tilapia, mais aussi bar, anguille, morue ou esturgeon… Pour autant, confectionner un superbe portefeuille avec les restes d’un saumon en papillote n’est pas à la portée de tous : la préparation et le tannage des peaux demandent un réel savoir-faire !

 

 

 

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La fabrication du cuir de poisson

 

  • Grattage

 

Avant de travailler une peau de poisson, il faut d’abord la nettoyer pour la rendre parfaitement propre et lisse. On commence par racler ses deux faces pour la débarrasser de ses écailles et ôter toute trace de chair et de gras. Cette opération assure une bonne conservation de la peau. Ainsi préparée, elle a la texture idéale pour absorber les tanins et les colorants.

 

 

  • Tannage (bronzage)

 

Une fois grattée et nettoyée, la peau est plongée dans un bain composé de tanins végétaux, qui font parfois également office de colorants naturels. Cette étape permet de la transformer en cuir et de la rendre imputrescible. Chaque tanneur a sa recette, qui est souvent le fruit de nombreux essais… Les formules, généralement bien gardées, sont élaborées à partir d’ingrédients végétaux : écorces de bois, glands, feuilles, racines, fruits…

Les peaux qui nécessitent d’être colorées le sont lors d’un second bain de tannage, cette fois dans une solution de teinturehttps://textileaddict.me/la-teinture/. Les colorants employés en tannerie de cuir de poisson sont sélectionnés parmi des colorants végétaux et des produits non toxiques.

Ensuite vient l’étape du stain : on laisse les peaux « mûrir » à l’air libre pour fixer les tanins.

 

 

  • Adoucissement (étirage)

 

Le tannage est suivi d’une étape d’adoucissement qui peut durer plusieurs heures. L’objectif est de ramollir le cuir de poisson en l’étirant pour le rendre souple et doux. On procède à la main ou à l’aide d’une machine équipée de pinces. Lorsque la peau est travaillée de manière artisanale, cette étape est aussi l’occasion d’imprégner progressivement la peau d’huile, jusqu’à complète absorption. Enfin, la peau est frottée sur une surface rugueuse pour terminer d’assouplir ses fibres.

 

Environ deux semaines sont nécessaires à la transformation d’une peau en cuir de poisson. Le matériau ainsi obtenu peut faire l’objet de différentes finitions : coloré par pulvérisation (irisé, nacré…), imprimé, décoré à la feuille d’or… et même parfumé ! À ce propos, ne vous laissez pas impressionner par son origine marine : cette matière est loin d’avoir une odeur déplaisante. Les peaux perdent leur odeur pendant leur transformation et s’imprègnent des senteurs discrètement boisées des tanins utilisés.

 

 

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Le cuir marin au présent

 

De nombreuses entreprises de tannerie ont choisi de se spécialiser dans le cuir de poisson. En France, on pourrait notamment citer Ictyos, une tannerie de cuir marin créée à Lyon en 2018 et en plein essor, mais aussi beaucoup d’autres artisans poussés par l’envie de remettre ce cuir éthique au goût du jour. Les méthodes varient, mais le procédé de base et l’engagement écologique restent les mêmes !

Quant au matériau lui-même, il navigue en eaux paisibles, de plus en plus plébiscité par les créateurs et les grandes marques. En 2015, le géant Nike a habillé ses Air Max 1 Stingray d’une élégante bordure de galuchat noir. La même année, la marque française Veja a commercialisé des sneakers en cuir de tilapia, le poisson le plus consommé au monde. On a aussi croisé le cuir de poisson dans les collections Louis Vuitton, Prada, John Galliano ou Christian Dior.

Côté choix des matières, on peut désormais opter pour le raffinement du cuir de poisson, matériau zéro déchet s’il en est ! D’autant plus que sa redécouverte semble inspirer de nouveaux projets écoresponsables à l’industrie textile…

 

 

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Elsa Laurent

Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.