La sérigraphie, des origines à la technique

| Mis à jour 09/2025 |

 

©pinterest // impression©Anne-Claire Villefourceix

 

La sérigraphie est une technique d’impression qui consiste à faire passer de l’encre à travers un écran tendu sur un cadre, afin de reproduire un motif sur différents supports comme le textile, le papier ou le carton. Utilisée aussi bien pour créer des t-shirts personnalisés que pour réaliser des affiches artistiques ou des produits publicitaires, elle séduit par sa polyvalence et la qualité de ses impressions.

Accessible grâce à des kits pour débutants mais aussi perfectionnée à grande échelle avec des machines professionnelles, la sérigraphie reste aujourd’hui un procédé incontournable, à la fois artisanal et industriel, qui permet de jouer avec les couleurs, les encres et les textures pour obtenir des résultats uniques.

 

 

Un peu d’histoire sur la sérigraphie

 

C’est à l’ère de la Chine antique, durant la dynastie Song, entre le 10ème et le 13ème siècle, que la sérigraphie prit naissance. Elle se répandit par la suite dans les pays voisins, tels que le Japon. Si la légende veut que le cadre soit, dans un premier temps, fabriqué à partir de cheveux de femmes tissés, le cadre se forme en réalité à partir d’une pièce de soie tendue sur un cadre en bois de manière uniforme.

Le commerce de la soie, en plein essor au 17ème siècle, permettra à la sérigraphie de faire son entrée en Europe et les ateliers de soieries lyonnaises commenceront à utiliser cette technique pour l’impression textile (impression à la lyonnaise).

C’est des années plus tard, en 1910, que la sérigraphie moderne prend forme grâce aux premières utilisations de l’émulsion photosensible d’une part ; et du fait d’une forte émigration chinoise aux États-Unis d’autre part. Avec l’essor de l’industrie américaine, la technique se modernise, la soie est remplacée par le nylon, le rouleau qui permettait d’étaler la pâte à l’aide d’une racle. Les affiches publicitaires permettront de démocratiser cette technique et la seconde guerre mondiale amènera en Europe cette modernisation.

Les années 60 marqueront un tournant majeur pour la sérigraphie qui sera propulsée sur le devant de la scène grâce à son utilisation à des fins artistiques – notamment par Andy Warhol et Roy Lichtenstein. À la fin des années 70, la sérigraphie sera partout : sur les affiches, les vêtements, les pochettes vinyles, etc.

Elle reste aujourd’hui encore une technique répandue dans les arts, le textile et le graphisme.

 

typon // sérigraphie©Anne-Claire Villefourceix

 

 

 

La sérigraphie en pratique

 

La sérigraphie repose sur un procédé simple en apparence mais d’une grande précision technique. Chaque impression demande un véritable travail préparatoire, depuis le traitement de l’écran jusqu’à la fixation finale du motif. L’enduction de l’émulsion, l’insolation à la lumière ou encore l’utilisation de la racle sont autant d’éléments qui influencent la qualité du rendu.

On distingue généralement trois grandes étapes clés, qui permettent de transformer un simple visuel en une impression durable sur tissu, papier ou tout autre support. Ce processus, minutieux mais fascinant, illustre parfaitement la richesse de la technique sérigraphique.

 

1/ La préparation du cadre

Le motif (ou le visuel) à imprimer est fixé sur le cadre : un filet de nylon ou polyester tendu sur un cadre de bois ou de métal. La fixation se fait par émulsion photographique : c’est l’insolation de l’écran, une étape très délicate du fait de la sensibilité de l’émulsion à la lumière. C’est pourquoi cette étape se fait la plupart du temps dans le noir ou à la lumière rouge comme dans les laboratoires photographiques.

Le typon, un dessin imprimé en noir sur un calque transparent va alors être fixé à l’écran, puis tous deux exposés à la lumière quelques minutes seulement dans une machine à insolation. Entrant ainsi en contact avec la lumière, l’émulsion va se solidifier, hormis au niveau des zones opaques (noires) du calque.

Cette partie sera enlevée à l’eau, et constituera la zone positive du dessin. Cette fixation permettra de bloquer le filet de nylon afin que l’encre ne s’écoule qu’à travers les zones « positives » du dessin.

 

2/ L’impression

Une fois le cadre préparé, il est placé directement sur le support (tissu, papier, carton ou autre matériau). Le maintien se fait grâce à des poids ou à des systèmes de serrage pour garantir une parfaite stabilité. L’encre est ensuite versée sur l’écran, puis tirée à l’aide d’une racle de haut en bas. La pression exercée permet à l’encre de traverser les zones ouvertes du pochoir et de se déposer précisément sur le support.
La réussite de cette étape repose sur la régularité du geste : une racle trop inclinée ou une pression trop faible peut altérer la netteté du motif. Bien exécutée, cette opération permet d’obtenir une impression homogène, riche en couleurs et fidèle au dessin d’origine.

 

3/ Le passage en presse

Le cadre est ensuite ôté, dévoilant ainsi le visuel imprimé sur le support. Le support est ensuite pressé à chaud à environ 190°C pendant 60 secondes, selon les supports et les encres employés, ce qui a pour objectif de fixer l’impression au support.

 

serigraphie cadre impression presse textileaddict

 

La sérigraphie au cadre plat n’est pas un procédé très adapté aux tirages conséquents en raison du temps demandé ; sauf dans le cas d’impression au cadre rotatif quant à elle plus rapide. Plus un motif ou visuel aura de couleur, plus le processus demandera du temps : il faut en effet un cadre par couleur, et par conséquent, un temps de séchage entre chaque couleur. Le procédé a cependant cet avantage de convenir à une grande gamme de supports, ce qui permet d’ouvrir son domaine d’application sur de vastes horizons. C’est enfin une technique qui permet de varier les types d’encres (nacre, amidon, matte, gel…) , ce qui offre des panels de textures et d’aspects avec lesquels créer à l’infini.

 

 

 

 

 

Quelle est la différence entre la sérigraphie et la lithographie ?

 

Photographie d’un artiste réalisant une impression lithographique

 

La sérigraphie et la lithographie sont deux techniques d’impression souvent confondues, mais leur fonctionnement repose sur des principes très différents.

  • En sérigraphie : l’encre traverse un écran tendu sur un cadre grâce à l’action d’une racle. Le motif est créé à l’aide d’une émulsion photosensible et d’une insolation à la lumière, qui bloquent certaines zones de l’écran. L’impression se fait donc par passage de l’encre à travers un pochoir.
  • En lithographie : l’impression est réalisée à partir d’une pierre calcaire ou d’une plaque métallique. Le procédé exploite la répulsion entre l’eau et les matières grasses : la pierre est traitée pour attirer l’encre uniquement sur les zones dessinées, tandis que les autres sont protégées par l’humidité.

 

Tableau comparatif :

Lithographie Sérigraphie
Utilise une pierre calcaire ou une plaque métallique Utilise un écran de nylon ou polyester tendu sur un cadre
Repose sur le principe eau/graisse (zones imprimantes vs non imprimantes) Repose sur le principe du pochoir et du passage de l’encre à travers l’écran
Très utilisée pour les arts graphiques, gravures et éditions limitées Très utilisée pour le textile, le papier, le carton, le plastique et de nombreux supports
Permet des impressions détaillées mais principalement en deux dimensions Permet des impressions nettes, durables et multicolores sur des supports variés
Matériel lourd, technique plus exigeante Accessible avec des kits et machines, adaptée aussi bien aux artisans qu’aux industriels

 

Sérigraphie et lithographie dans le textile

Dans le domaine de l’impression textile, c’est la sérigraphie qui domine largement. Son adaptabilité aux tissus (coton, polyester, lin…) et sa capacité à produire des impressions durables et résistantes au lavage en font une technique de référence pour la personnalisation des shirts, tissus décoratifs ou encore des produits publicitaires. La lithographie, plus orientée vers les arts graphiques et l’édition, n’a pas d’application directe dans l’impression textile.

 

 

 

Quels sont les avantages de la sérigraphie textile ?

 

La sérigraphie textile est un procédé ancien qui traverse les siècles sans perdre de son attrait. Bien qu’elle ait été inventée il y a plusieurs centaines d’années, elle reste utilisée au 21ᵉ siècle aussi bien par des artisans passionnés que par de grandes industries. La raison ? Elle combine qualité, durabilité et une liberté créative qui continue de séduire.

 

Les avantages de la sérigraphie textile :

  • Excellente résistance au lavage et à l’usure : les motifs restent nets dans le temps.
  • Possibilité d’imprimer sur de nombreux textiles (coton, polyester, lin, etc.) mais aussi sur d’autres supports comme le papier ou le carton.
  • Couleurs intenses et durables, avec un rendu couvrant, lumineux et précis.
  • Adaptée aux grandes surfaces d’impression et aux motifs complexes.
  • Technique permettant l’utilisation de nombreuses encres spéciales (métallisées, fluorescentes, transparentes, texturées…).
  • Très bonne qualité de rendu, idéale pour valoriser des shirts, des vêtements promotionnels ou des créations artistiques.

 

Les inconvénients de la sérigraphie textile :

  • Processus relativement long et technique, qui demande un savoir-faire et du matériel spécifique.
  • Coûts de préparation plus élevés, surtout lorsqu’il faut imprimer plusieurs couleurs (un cadre par couleur).
  • Utilisation de certains produits chimiques (émulsion, solvants, encres) qui nécessitent des précautions et un bon traitement des déchets.
  • Moins flexible pour des motifs personnalisés à l’unité, comparée à d’autres techniques modernes comme l’impression numérique.

 

 

 

Peut-on faire de la sérigraphie textile chez soi ?

 

La sérigraphie textile n’est pas réservée aux ateliers professionnels. Avec un peu de matériel et de patience, il est tout à fait possible de s’initier chez soi. De nombreux passionnés se lancent aujourd’hui en suivant des tutoriels en ligne, et parviennent à imprimer leurs propres t-shirts, tissus décoratifs ou accessoires personnalisés. Le procédé demande de la rigueur et un minimum de pratique, mais il reste accessible et surtout très gratifiant pour qui aime allier technique et créativité.

Pour les débutants, il existe des kits de sérigraphie vendus entre 150 et 400 euros selon la qualité et le contenu. Ces ensembles permettent de se lancer sans investir immédiatement dans du matériel professionnel.

 

Contenu type d’un kit de sérigraphie débutant :

  • Cadre de sérigraphie
  • Racle pour sérigraphie
  • Lampe à lumière jaune pour protéger l’émulsion
  • Racle à enduction
  • Lampe d’insolation pour sérigraphie
  • Spatule en bois
  • Film de sérigraphie
  • Pinces de sérigraphie
  • Produits chimiques : encre, émulsion, dégraissant, décapant, etc.

 

Ces kits suffisent largement pour imprimer ses premiers motifs sur du textile ou du papier.

En revanche, les machines professionnelles utilisées dans les ateliers coûtent beaucoup plus cher. Elles intègrent des systèmes d’insolation automatisés, des cadres rotatifs pour accélérer les impressions multicolores et des dispositifs de séchage rapide. Le prix peut rapidement atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, ce qui réserve ce type d’équipement aux entreprises spécialisées ou aux créateurs produisant en grande série.

 

 

 

Les sérigraphies iconiques de l’histoire de l’art

 

tableau en sérigraphie dans un musée

 

La sérigraphie n’a pas seulement marqué l’univers du textile et de la communication visuelle : elle a aussi révolutionné le monde de l’art contemporain. Dans les années 1960, elle devient l’outil favori des artistes pop qui voient dans cette technique la possibilité de multiplier les motifs, de jouer avec les couleurs et de transformer des objets du quotidien en véritables icônes culturelles. La sérigraphie séduit par sa vitalité, sa capacité à produire des œuvres en série tout en gardant un fort impact visuel, et par l’énergie créative qu’elle dégage. Elle a ainsi permis de démocratiser l’art, en le sortant des galeries élitistes pour l’amener jusque dans les rues et les foyers.

 

Artistes et œuvres emblématiques de la sérigraphie

  • Andy Warhol – Marilyn Diptych (1962), Campbell’s Soup Cans (1962), ou encore ses multiples portraits de célébrités.
  • Roy Lichtenstein – Crying Girl (1963), Sweet Dreams, Baby! (1965), où la sérigraphie amplifie son esthétique de bande dessinée.
  • Robert Rauschenberg – Retroactive I (1964), qui mélange photographie et sérigraphie pour créer des compositions hybrides.
  • Shepard Fairey – Hope (2008), l’affiche iconique de Barack Obama, réalisée grâce à la sérigraphie et reprise dans le monde entier.
  • Richard Hamilton – Release (1972), qui illustre l’engagement politique à travers un langage visuel fort.

 

De Warhol à Shepard Fairey, la sérigraphie a prouvé qu’elle n’était pas qu’une simple technique d’impression, mais aussi un procédé artistique majeur, capable d’incarner son époque et de marquer durablement l’imaginaire collectif.

 

 

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Image de Anne-Claire Gimenez

Anne-Claire Gimenez

designer textile et graphiste indépendante. Plongeuse textile, elle se passionne pour la couleur, les matières et le motif et s'investit sur des projets personnalisés nageant du design textile au graphisme, en passant par le design d'intérieur.

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