L’année dernière, le secteur de la mode circulaire a progressé de 17 % en France, générant un chiffre d’affaires estimé à 6,8 milliards d’euros. Dans un marché en pleine mutation, ces chiffres honorables démontrent que la circularité est une affaire qui tourne.
En collaboration avec Accenture, la Fédération de la Mode Circulaire, qui a pour mission d’accompagner cet écosystème en plein essor, a récemment mis à jour les perspectives des marchés du réemploi, du recyclage et de la réparation. Un an après un premier état des lieux, cette organisation professionnelle propose une analyse détaillée du secteur en 2023. Elle pointe également les éléments à travailler pour assurer à la mode circulaire un futur solide et pérenne.
Mode circulaire : mieux produire, mieux consommer, mieux recycler
La notion de « mode circulaire » est apparue dans les années 1990. Le concept a réellement pris corps dans les années 2010, avec la prise de conscience mondiale des nombreux travers de l’industrie textile. Il s’oppose au principe linéaire de la fast fashion qui implique notamment que tout vêtement acheté soit voué à devenir un déchet, ou à être détruit.
La mode circulaire incarne donc l’antithèse de la mode éphémère, de ses rythmes frénétiques, de ses process de production et de ses stratégies marketing.
D’après la FMC, la circularité dans la mode est « un processus conduisant à utiliser et réutiliser les ressources textiles jusqu’à ce que celles-ci ne soient plus utilisables« . Comment ? En faisant appel à l’upcycling, à la biodégradation ou au recyclage par exemple, mais aussi en amont, en concevant des pièces durables et réparables.
Son objectif est qu’un vêtement ne doit pas perdre de valeur au fil du temps et de son existence. Pour y parvenir, les principes de la mode circulaire sont axés sur 3 points :
- Mieux produire grâce à l’éco-conception de pièces durables,
- Mieux consommer en privilégiant la seconde main, la location et la réparation,
- Mieux recycler, en collectant et revalorisant les articles en fin de vie.
©2024 Accenture & FMC
Un marché d’avenir dans un contexte tendu
Des projections optimistes
Entre inflation galopante et crises géopolitiques mondiales, le secteur de la mode de première main subit depuis plusieurs années un recul des ventes, ainsi que le développement rapide de l’ultra fast fashion. Ces deux facteurs ont déjà contribué à la disparition de plusieurs enseignes traditionnelles en France.
En revanche, les modèles d’affaires circulaires (basés sur la réparation, le réemploi, la location, l’upcycling et le recyclage) ne sont pas affectés par ce climat morose.
Au contraire, l’année dernière, ils se sont même distingués par une croissance remarquable, estimée à + 17 % (6,5 milliards d’euros générés en 2023, contre 5,7 milliards d’euros en 2022). Et ce malgré plusieurs projets avortés et défaillances de la part de certains acteurs du circulaire, à envisager comme autant d’enseignements à retenir pour l’avenir de la mode durable.
Avec une prévision de croissance annuelle estimée à 12 %, ce secteur devrait générer un chiffre d’affaire de 14,2 milliards d’euros à l’horizon 2030. Il représente ainsi une opportunité évidente d’amorcer la réindustrialisation textile en France et de favoriser la création ou le maintien d’environ 35 000 emplois locaux.
À ces données convaincantes s’ajoute un autre chiffre, en lien direct avec les ambitions environnementales de la mode circulaire : d’après les projections de la FMC/Accenture, ce scénario permettra à la filière TLC de réduire d’environ 16 % ses émissions de CO2.
Mode circulaire : une dynamique qui s’accélère
Au regard de ces chiffres, il ne fait nul doute que la mode durable va continuer à faire l’objet d’efforts collectifs sur le territoire. Un véritable écosystème s’organise au sein de l’industrie textile française afin de mettre en place de bonnes pratiques sur la durée. Pour accompagner cette transformation, la réglementation se renforce progressivement, soutenue par des mesures incitatives : obligation de reporting de durabilité avec l’entrée en vigueur de la CRSD, lancement du Bonus Réparation…
Au coeur des mesures de la loi AGEC, le sujet de la circularité est aujourd’hui une priorité pour les acteurs du textile français. Il s’inscrit aussi sur la feuille de route de l’état pour la période 2023-2028, avec 5 grands chantiers financés à hauteur d’1 milliard d’euros pour mieux collecter, mieux recycler, mieux réparer, développer la deuxième vie des textiles et soutenir les entreprises vertueuses qui fabriquent des textiles durables.
À moyen terme, nombre de projets encore en discussion (loi anti fast fashion, TVA circulaire, Ecoscore…) devraient encore renforcer cette montée en puissance.
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Le bilan 2023 de la mode circulaire : réparation, réemploi, recyclage
La réparation, un service redynamisé
Boosté par le lancement du Bonus Réparation, ce réflexe a de nouveau la côte. En 2023, de nombreuses marques ont lancé ou développé leur offre de services de réparation, répondant ainsi à la demande de consommateurs beaucoup plus enclins à réparer plutôt que jeter depuis la crise covid. La FMC observe une grande diversification des stratégies et des modèles opérationnels selon les segments de marché.
Pour moderniser les process, fluidifier la gestion du SAV et améliorer l’expérience client, marques et enseignes pourraient bientôt bénéficier de l’appui des acteurs de la tech, pourquoi pas en s’inspirant du secteur automobile ou de l’électroménager.
Reste à développer l’offre encore trop peu étoffée en matière d’artisanat et de savoir-faire pour répondre aux besoins de ce secteur en plein essor, ainsi qu’à poursuivre sur la voie de la pédagogie, indispensable pour sensibiliser l’ensemble des consommateurs à la réparation.
© ©2024 Accenture & FMC
L’accélération du marché du réemploi
Réemployer, réutiliser sont également des pratiques ancestrales remises au goût du jour par la mode durable grâce aux articles de seconde main.
Densification de l’offre de reprise et de revente, démocratisation du « réflexe seconde main », revalorisation des reliquats de production et invendus mieux structurée : en 2023, l’écosystème du réemploi a gagné en maturité et en popularité. La seconde main, c’est tendance et le phénomène touche toutes les générations.
Un travail reste à accomplir sur le plan de la désirabilité et de la communication pour porter cette envie générale d’offrir une seconde vie aux vêtements.
Des progrès concrets en matière de recyclage
Si ces dernières années ont vu fleurir les initiatives dans le domaine du recyclage textile en France, 2023 a également été témoin de belles avancées dans ce secteur porteur. Notamment dans le domaine de la préparation matière avec le lancement de la plateforme Nouvelles Fibres Textiles, et dans celui du recyclage enzymatique de matières textiles d’origine plastique (polyester) avec Carbios, un projet prometteur qui démarrera à l’échelle industrielle en 2025.
Des clés pour l’avenir
Pour autant, pas question de se reposer sur ses lauriers, il s’agit désormais de progresser sur 4 points-clés :
- Faire évoluer le processus créatif pour mieux y intégrer le critère de durabilité,
- Améliorer la traçabilité pour plus de transparence,
- Intégrer la circularité à chacun des maillons de la chaîne de valeur et développer les revenus générés par l’usage du produit pour plus de rentabilité,
- Séduire, convaincre les consommateurs, mais aussi partager les données et les succès en faisant preuve de pédagogie.
En attendant, l’industrie textile française peut être fière des efforts soutenus depuis plusieurs années pour transformer la filière. Au final, le bilan s’avère aussi positif qu’encourageant pour l’avenir, porté par un « élan circulaire » assez puissant pour générer durablement de la valeur dans la mode.
Déjà bonne élève en matière de durabilité, il est attendu de la France qu’elle continue sur sa lancée : avec souplesse, agilité et inventivité, pour conforter sa position de leader et inscrire la circularité sur la durée.
À lire :
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