| Mis à jour 09/2025 |
Longtemps oublié par le secteur de la tannerie, le cuir de poisson refait surface, porté par la vague d’intérêt pour le surcyclage. Quelle est son histoire et comment le fabrique-t-on ? Nous avons suivi le courant à la (re)découverte du cuir marin, un matériau qui évolue dans la mode éthique comme un poisson dans l’eau !
Qu’est-ce que le cuir de poisson ?
Comme son nom l’indique, le cuir de poisson est une peau de poisson tannée. Après transformation, ce simple déchet alimentaire se métamorphose en un cuir d’exception, aussi « exotique » que le cuir de reptile. Apprécié pour sa finesse, sa solidité et sa résistance à l’eau, ce matériau venu des profondeurs est une belle alternative au cuir conventionnel. Il peut être utilisé pour confectionner des vêtements, des chaussures et accessoires de maroquinerie, ainsi qu’en ameublement et décoration intérieure (gainerie, reliure)
Bon à savoir : La France occupe une place à part dans l’histoire du cuir de poisson. Aujourd’hui encore, ce savoir-faire artisanal perdure et séduit les grandes maisons de maroquinerie et de mode. Grâce à ses ateliers spécialisés et à une exigence de qualité reconnue dans le monde entier, la France reste un port d’attache incontournable pour la fabrication de cuirs marins haut de gamme. Qu’il s’agisse de sacs, d’accessoires ou de bijoux, la mention “Made in France” demeure un gage de prestige et d’authenticité dans ce secteur.
L’histoire du tannage de poisson
L’apparition du cuir de poisson est difficile à dater, car il laisse peu de traces archéologiques. Le tannage du poisson semble être une tradition ancestrale présente dans de nombreuses communautés de pêcheurs. Il remonte à des temps où l’upcycling s’inscrivait encore naturellement dans la vie quotidienne des humains. Sans doute par respect envers la nature, mais surtout par nécessité… Profiter au mieux de toutes les ressources offertes par l’environnement était alors un réflexe de survie !
Ce renouveau du cuir de poisson s’inscrit donc comme un véritable retour aux sources. Dans une époque marquée par la surconsommation et l’épuisement des ressources, redécouvrir cet ancien savoir-faire traduit une prise de conscience collective. Transformer un déchet en matière noble n’est plus seulement un geste de survie, mais un choix assumé en faveur d’une mode durable et plus respectueuse de l’environnement.
Un artisanat de pêcheurs
L’art de transformer la peau des poissons en cuir a donc été longtemps pratiqué par différents peuples vivant dans des zones côtières : Nord Est de la Chine, Japon, Nord canadien et Colombie britannique, Alaska, Sibérie, Laponie… Pêcher des poissons de mer ou de rivière (saumons, silures, carpes, etc.) permettait ainsi de se nourrir, mais aussi de se vêtir et de fabriquer des objets utilitaires. Bien avant l’invention du Gore-Tex®, le cuir de poisson était utilisé pour fabriquer des sacs, manteaux, moufles ou bottes solides et résistants à l’eau. Au cours du XXe siècle, l’artisanat du cuir de poisson a presque disparu, remplacé par de nouvelles matières solides, étanches et confortables produites de manière industrielle.
La France, pays du galuchat
Le tannage de poisson se pratiquait également dès le XVIe siècle en Europe. En France, on travaillait les peaux de raie pastenague et de requin pour fabriquer un cuir haut de gamme : le galuchat. Très en vogue jusqu’au XIXe siècle, ce cuir rare et ultra résistant est toujours apprécié en maroquinerie de luxe.
Bon à savoir : Bien avant d’arriver en Europe, le travail des peaux de raie et de requin existait déjà depuis plus de 1000 ans en Asie, notamment au Japon, où ce cuir rare servait à recouvrir armes et objets de prestige. C’est cependant au XVIIIᵉ siècle que le Français Jean-Claude Galluchat, maître artisan gainier installé à Paris, en fit un matériau incontournable. En perfectionnant les techniques de fabrication et en sublimant cette matière au grain perlé si particulier, il la démocratisa en France et séduisit rapidement la noblesse et la cour royale. Depuis, le galuchat est resté synonyme d’excellence et de qualité.
Le tannage de poisson
La valorisation des déchets fait partie des nouveaux défis à relever pour préserver la planète. En permettant de surcycler des co-produits de la pêche, le tannage des peaux de poisson est, comme on l’expliquait précédemment, plus d’actualité que jamais !
De plus en plus de passionnés redécouvrent les techniques artisanales. Certains développent de nouvelles solutions en s’inspirant des méthodes traditionnelles pour produire ce matériau de façon vertueuse. Ils privilégient le tannage végétal et les teintures non toxiques, vont chercher leurs fournisseurs dans le secteur agroalimentaire ou la restauration… D’une certaine façon, les matières premières qu’ils utilisent proviennent de nos assiettes ! Le cuir de poisson contemporain est en effet issu des produits classiques de la pêche : peaux de perche, saumon, truite ou tilapia, mais aussi bar, anguille, morue ou esturgeon… Pour autant, confectionner un superbe portefeuille avec les restes d’un saumon en papillote n’est pas à la portée de tous : la préparation et le tannage des peaux demandent un réel savoir-faire !
Cuir de poisson : quelles espèces sont sélectionnées ?
En théorie, presque toutes les espèces de poissons peuvent être transformées en cuir. Toutefois, certaines sont davantage utilisées que d’autres en raison de leur qualité, de la taille des peaux ou encore de leur rendu esthétique. Les cuirs issus de poissons de consommation courante, comme le saumon ou la truite, sont très répandus car ils proviennent directement de déchets de l’industrie agroalimentaire. À l’inverse, les peaux de raie ou de requin, dites cartilagineuses, sont prisées pour leur grain unique et leur résistance exceptionnelle, donnant naissance à des pièces de maroquinerie haut de gamme. Selon l’espèce et le mode de fabrication, le cuir obtenu peut être mat ou satiné, sobre ou coloré.
Espèce | Avantages du cuir | Type de cuir |
---|---|---|
Saumon | Souple, résistant, facile à teindre, souvent disponible en « Made in France ». Idéal pour sacs et accessoires. | Peau |
Truite | Plus fine que le saumon, texture délicate, prix plus accessible. | Peau |
Perche | Finesse et nervures naturelles marquées, aspect haut de gamme. | Peau |
Tilapia | Très utilisé car poisson courant, grain régulier, bonne solidité. | Peau |
Anguille | Peau longue et étroite, très souple, idéale pour bijoux ou petites pièces. | Peau |
Morue | Cuir souple, texture discrète, apprécié pour la maroquinerie fine. | Peau |
Esturgeon | Peau épaisse, nervures marquées, aspect luxueux. | Peau |
Raie pastenague | Grain perlé unique, résistance exceptionnelle, utilisé en galuchat pour maroquinerie et objets de luxe. | Cartilagineux |
Requin | Très robuste, grain distinctif, cuir de prestige souvent travaillé en galuchat. | Cartilagineux |
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Quel est le prix du cuir de poisson ?
Le prix du cuir de poisson dépend de plusieurs facteurs :
- L’espèce utilisée : saumon, truite, tilapia, raie ou requin, chacune offrant un grain et une texture différents.
- Le type de tannage : végétal, chimique ou éco-responsable, qui influence la souplesse, la durabilité et le rendu (mat ou satiné par exemple).
- La provenance : un cuir Made in France coûte généralement plus cher qu’un cuir importé d’Asie, en raison du savoir-faire artisanal et du respect des normes environnementales.
- La qualité de la fabrication : travail artisanal ou industriel, finitions, coloration, et traitement des peaux pour des accessoires, des sacs ou des bijoux haut de gamme.
Ainsi, un cuir de saumon ou de truite ne se vend pas au même tarif, et ces facteurs combinés expliquent les variations de prix observées sur le marché.
La technique de tannage influence également le coût. Un tannage végétal, réalisé à la main dans un atelier français, nécessite davantage de temps et d’attention, mais offre un résultat supérieur en termes de grain, de souplesse et de durabilité.
Pour donner un ordre d’idée :
- Un cuir de saumon noir mat, tannage végétal, mesurant 40 à 60 cm de long pour 10 à 15 cm de large, Made in France, peut coûter entre 20 et 35 euros.
- Pour le cuir de truite, les tarifs se situent plutôt entre 15 et 25 euros pour les mêmes dimensions.
La fabrication du cuir de poisson
La fabrication du cuir de poisson est un processus précis et minutieux, qui transforme des peaux initialement destinées aux déchets alimentaires en une matière noble et durable. Chaque étape, du nettoyage au tannage, en passant par l’adoucissement et les finitions, demande un véritable savoir-faire. Cette attention particulière garantit non seulement la qualité et la résistance du cuir, mais permet également de révéler son grain unique et ses multiples aspects.
Grattage de la peau de poisson
Avant de travailler une peau de poisson, il faut d’abord la nettoyer pour la rendre parfaitement propre et lisse. On commence par racler ses deux faces pour la débarrasser de ses écailles et ôter toute trace de chair et de gras. Cette opération assure une bonne conservation de la peau. Ainsi préparée, elle a la texture idéale pour absorber les tanins et les colorants.
Tannage de la peau (bronzage)
Une fois grattée et nettoyée, la peau est plongée dans un bain composé de tanins végétaux, qui font parfois également office de colorants naturels. Cette étape permet de la transformer en cuir et de la rendre imputrescible. Chaque tanneur a sa recette, qui est souvent le fruit de nombreux essais… Les formules, généralement bien gardées, sont élaborées à partir d’ingrédients végétaux : écorces de bois, glands, feuilles, racines, fruits…
Les peaux qui nécessitent d’être colorées le sont lors d’un second bain de tannage, cette fois dans une solution de teinture. Les colorants employés en tannerie de cuir de poisson sont sélectionnés parmi des colorants végétaux et des produits non toxiques.
Ensuite vient l’étape du stain : on laisse les peaux « mûrir » à l’air libre pour fixer les tanins.
Adoucissement (étirage)
Le tannage est suivi d’une étape d’adoucissement qui peut durer plusieurs heures. L’objectif est de ramollir le cuir de poisson en l’étirant pour le rendre souple et doux. On procède à la main ou à l’aide d’une machine équipée de pinces. Lorsque la peau est travaillée de manière artisanale, cette étape est aussi l’occasion d’imprégner progressivement la peau d’huile, jusqu’à complète absorption. Enfin, la peau est frottée sur une surface rugueuse pour terminer d’assouplir ses fibres.
Environ deux semaines sont nécessaires à la transformation d’une peau en cuir de poisson. Le matériau ainsi obtenu peut faire l’objet de différentes finitions : coloré par pulvérisation (irisé, nacré…), imprimé, décoré à la feuille d’or… et même parfumé ! À ce propos, ne vous laissez pas impressionner par son origine marine : cette matière est loin d’avoir une odeur déplaisante. Les peaux perdent leur odeur pendant leur transformation et s’imprègnent des senteurs discrètement boisées des tanins utilisés.
Bon à savoir : Ne vous laissez pas impressionner par l’origine marine du cuir de poisson : une fois le processus de fabrication terminé, les peaux perdent totalement leur odeur initiale. Le tannage et les différentes étapes d’adoucissement et de finition permettent au cuir d’absorber les tanins et les huiles végétales, qui lui confèrent des senteurs délicatement boisées.
Le cuir marin au présent
De nombreuses entreprises de tannerie ont choisi de se spécialiser dans le cuir de poisson. En France, on pourrait notamment citer Ictyos, une tannerie de cuir marin créée à Lyon en 2018 et en plein essor, mais aussi beaucoup d’autres artisans poussés par l’envie de remettre ce cuir éthique au goût du jour. Les méthodes varient, mais le procédé de base et l’engagement écologique restent les mêmes !
Quant au matériau lui-même, il navigue en eaux paisibles, de plus en plus plébiscité par les créateurs et les grandes marques. En 2015, le géant Nike a habillé ses Air Max 1 Stingray d’une élégante bordure de galuchat noir. La même année, la marque française Veja a commercialisé des sneakers en cuir de tilapia, le poisson le plus consommé au monde. On a aussi croisé le cuir de poisson dans les collections Louis Vuitton, Prada, John Galliano ou Christian Dior.
Côté choix des matières, on peut désormais opter pour le raffinement du cuir de poisson, matériau zéro déchet s’il en est ! D’autant plus que sa redécouverte semble inspirer de nouveaux projets écoresponsables à l’industrie textile…
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