Que cache réellement le terme « matière recyclée » sur nos étiquettes ?

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L’industrie textile est l’une des plus polluantes à l’échelle mondiale et les consommateurs comme les créateurs ont de plus en plus conscience des dégâts engendrés par cette production massive. C’est pour cela qu’il devient essentiel de mettre en place des démarches écologiques et les enseignes de prêt-à-porter ne manquent pas l’occasion de les indiquer sur les étiquettes pour en informer leur clientèle. La mention “matière recyclée” fleurit sur les portants des magasins et sur les boutiques en ligne de marques reconnues, incitant le client à un geste en faveur de l’environnement. Pourtant, le processus écologique est à plusieurs égards contestable et nous allons vous en expliquer les raisons dans cet article.

 

“Matière recyclée” : une solution écologique dans l’industrie textile ?

En achetant un objet recyclé, vous pensez faire une action louable pour préserver la nature. L’étiquette “matière recyclée” peut, par conséquent, faire pencher la balance en sa faveur lorsque vous hésitez entre deux pantalons. Mais, savez-vous vraiment ce que signifie cette inscription ?

 

La mode prend l’étiquette du vert

La mode a pour principe de se renouveler à chaque saison et l’industrie textile produit à foison des pièces qui sont rapidement désuètes et destinées à être jetées. Comme la fast-fashion a de plus en plus mauvaise presse, elle doit réfléchir à des solutions pour palier la production de déchets tout en restant compétitive sur le marché.

De grands groupes comme H&M proposent une proportion grandissante de vêtements et accessoires portant l’étiquette “matière recyclée”. On pourrait applaudir cette tendance si l’on ne savait pas que moins de 1 % de tous les textiles dans le monde sont recyclés en nouveaux produits, selon la Commission européenne*.

 

De la difficulté de recycler du fil… en fil

En effet, les vêtements, accessoires et chaussures sont complexes à recycler en fil, et ce, dès l’étape du tri. Il faut écarter tous les systèmes de fermeture (boutons, zips…), séparer les différentes couleurs et matières. De plus, le vêtement ne doit pas être composé de plus de deux matières, pour que le recyclage en fil soit possible.

Notons tout de même certaines avancées prometteuses du recyclage textile. En France, le CETIA développe des solutions industrielles qui facilitent la valorisation des déchets textiles. Il conçoit des solutions automatisées permettant de trier les pièces d’après leur composition et leur couleur, de séparer les fibres des points durs sans les détériorer ou encore de séparer les semelles des chaussures. Aussi, l’entreprise chinoise Qingdao est la première entreprise au monde capable de séparer et de recycler les matières textiles composées de polyester et d’élasthanne. Egalement, l’Université de Copenhague a mis au point un procédé chimique qui permet de séparer les fibres de coton des fibres polyester, sans détruire l’une ou l’autre. Ajoutons que le Hong Kong Research Institute of Textiles and Apparel propose une solution commercialisable à l’échelle industrielle pour séparer et recycler les mélanges coton/polyester avec sa Green Machine.

 

Un recyclage sans circularité

L’étiquette “matière recyclée” serait-elle alors mensongère ? Non. Elle omet seulement de mentionner la matière utilisée.

 

Matière recyclée rime avec PET

Le PET (polytéréphtalate d’éthylène) est la matière qui sert à fabriquer les bouteilles en plastique et aussi, la grande majorité des vêtements qui portent l’étiquette “matière recyclée”. C’est une alerte des usines d’embouteillage et des associations de protection de l’environnement qui ont permis de mettre au jour la pratique. Voilà comment le circuit de production se structure.

Les usines de vêtements s’approvisionnent en paillettes de PET dans les usines de bouteilles plastiques. Ensuite, elles produisent le fil qui sert à la fabrication vestimentaire dans leurs propres structures. Rien de bien contestable jusque-là.

Or, une bouteille en plastique peut être recyclée jusqu’à six fois en nouvelle bouteille contre une seule fois en textile et c’est là que le bât blesse.

 

La création de nouvelles matières polluantes

La mention “matière recyclée” ne répond pas à l’exigence de circularité que sous-entend le processus de recyclage. Le textile est fabriqué à partir du recyclage sans en être la source ni y être destiné. Pour faire le fil de PET recyclé, on ajoute habituellement de l’élasthanne et des composants chimiques qui empêche tout nouveau recyclage, rendant le déchet définitif.

En outre, les habits en matière recyclée sont plus polluants que les autres. Lors des lavages, ils laissent échapper des particules de plastique dans les eaux et ajoutent des produits nocifs à une ressource précieuse.

Même le “coton recyclé” n’est pas une solution écologique. Ce dernier, pour être suffisamment solide, est tissé avec des matières non recyclables. Constat similaire pour les nouvelles fibres végétales qui nécessitent, pour être assemblées, des agglomérants non respectueux de l’environnement. En outre, elles sont dites biodégradables mais pas nécessairement recyclables.

 

Une étiquette qui n’élimine pas les déchets textiles

Les différentes enquêtes* s’accordent à voir l’étiquette “matière recyclée” comme un leurre écologique, voire un outil de greenwashing savamment utilisé par les grandes enseignes de prêt-à porter.

La majorité de la production textile finit au mieux dans des marchés de seconde main dans des pays d’Afrique ou incinérés. Le plus souvent, les produits de l’industrie de la mode sont retrouvés dans des décharges à ciel ouvert.

La solution véritablement écologique pour réduire la pollution de l’industrie textile reste une consommation raisonnée. Cela peut passer par l’achat d’habits, accessoires et chaussures de seconde main. La réparation des pièces abîmées et usées est également recommandée et les artisans engagés qui s’y attellent sont même valorisés par des labels comme “Refashion”.

 

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Sources* : 

Communiqué de presse de la Commission européenne

European Environment Agency

Ministère de la Transition écologique

 

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Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.