©Yves Saint Laurent – croquis original d’un ensemble de soir, coll. automne hiver 2000 // ©Yves Saint Laurent – Ensemble de soir (détail), collection haute couture automne hiver 2000
Pendant quatre décennies, Yves Saint Laurent s’est imposé comme l’un des maîtres incontestés de la Haute Couture française. On lui doit le smoking et le tailleur pantalon au féminin, la combinaison pantalon femme… Chacune de ses collections a illustré l’essence même de la mode, incarnant l’émancipation de la femme sans renoncer à l’élégance. Aujourd’hui encore, ses silhouettes sublimes résonnent comme autant de leçons de couture, dans un subtil mélange de créativité, d’exigence et de modernité. De l’imagination à la conception, des premiers croquis aux défilés, quel était le cheminement du célébrissime couturier pour atteindre ce niveau de perfection ? Textile Addict vous propose de plonger au coeur du processus créatif des collections Haute Couture Yves Saint Laurent…
De l’ombre des ateliers à la lumière des défilés
Dans le monde de la Haute Couture, il a deux saisons par an : printemps-été et automne hiver. Chaque saison s’accompagne d’une collection haute couture unique, composée d’une centaine de modèles. Tout débute toujours dans le studio atelier du créateur avec les premières esquisses du couturier. Au rythme d’un processus bien rôdé, chaque création suit le même cheminement, étape par étape :
- 1. La « feuille de bible »
Les croquis préparatoires sont reproduits sur une « feuille de bible« . Ce document descriptif accompagne chaque création YSL et s’enrichit de nombreuses annotations au fil des jours. Cette précieuse fiche technique sert de base de travail à l’ensemble des intervenants, tout au long de l’élaboration du vêtement. Elle compile peu à peu toutes les infos concernant le modèle : nom du fournisseur, références des matériaux employés, échantillons de tissus… On y retrouve également les accessoires qui l’accompagnent et le nom du mannequin.
©Yves Saint Laurent – fiche du studio dite « fiche de Bible » de la robe de mariée dite « Shakespeare », coll. automne hiver 1980 // ©Yves Saint Laurent – robe de mariée dite « Shakespeare », coll. automne hiver 1980
- 2. La Toile
À partir du croquis initial, les ateliers sont chargés de réaliser la « Toile », c’est-à-dire de construire le prototype du modèle à venir. Pour créer cette première version en 3D, on utilise de la tarlatane, cette simple étoffe de coton au tissage aéré est assez rigide pour avoir la tenue nécessaire, tout en restant facile à travailler. Elle permet un assemblage précis et une mise en forme étudiée du modèle.
- 3. Le choix du tissu
La Toile sert de modèle pour procéder au choix du tissu. Pour Yves Saint Laurent, cette étape essentielle est toujours une source de plaisir intense. Aussi perfectionniste que peut l’être un génie, le grand couturier considère le tissu comme un matériau brut, à la fois palette et source d’inspiration à part entière. Fana de belles matières, il affirme que certaines robes lui étaient inspirées par une étoffe. Certains sculptent le marbre, YSL aime sculpter et animer le tissu…
Très tôt, le créateur se tourne vers l’immense savoir-faire des maisons de tissus lyonnaises mondialement réputées telles qu’Abraham, Pernet Velours, Brochier Soieries ou encore Bucol pour l’accompagner dans la recherche de l’alchimie parfaite entre formes, matières et couleurs.
©Yves Saint Laurent – Ensemble des mousselines du dernier défilé, collection haute couture printemps-été 2002 // Maison Abraham, Velours façonné lamé – coll. hiver 1987 ©Lyon, musée des Tissus // Maison Bucol – Cigaline® de soie – coll. 2001 ©Lyon, musée des Tissus
Amoureux des tissus, YSL privilégie les étoffes précieuses. La liste des tissus qui ont marqué l’oeuvre du couturier tout au long de sa carrière est longue, mais certaines y ont laissé une empreinte indélébile, comme une signature… Il décline ainsi la soie sous toutes ses formes : velours, lamés, chinés, façonnés (tissus Jacquard avec motifs)… Passé maître dans l’art de révéler le corps féminin pour mieux le sublimer, Yves Saint Laurent aime exploiter les possibilités de la crissante Cigaline de chez la prestigieuse maison de tissus lyonnaise Bucol et de la mousseline de soie du fabricant de soieries la Maison Bianchini-Férier qu’il façonne en fourreaux fluides. La finesse et la transparence de ces deux matières en font les médiums parfaits pour jouer avec la nudité et faire souffler un vent de liberté sur la mode. C’est aussi chez Bucol que Saint Laurent trouve les chatoyants taffetas qu’il affectionne tant. Ces étoffes de soie dont les reflets s’animent sous l’effet de la lumière sont une source d’inspiration inégalée pour le Maître. Il aime en révéler les différentes facettes à travers des modèles vibrants comme des joyaux, esquissant parfois un clin d’oeil aux robes de bal d’antan. Quant au somptueux crêpe de soie, Yves Saint Laurent l’utilise dans des drapés souples et voluptueux qui accompagnent chaque mouvement…
- 4. Le choix des couleurs
Il aime composer lui-même ses nuanciers de couleurs en utilisant les échantillons de tissus unis de ses fournisseurs. Ces planches « homemade » lui permettent de visualiser et d’affiner les choix de tissus de ses créations. Et quand le couturier a un coup de coeur pour une étoffe, elle peut devenir un « fil rouge » de sa collection ! Il la décline alors de mille et une façons, n’hésitant pas à l’intégrer à de nombreux modèles, ainsi qu’à leurs accessoires : bottes montantes, souliers extravagants, bijoux…
©Yves Saint Laurent – Nuanciers réalisés par le studio d’Yves Saint Laurent // Sfate et Combier. Nuancier mousseline n°5768 ©Lyon, musée des Tissus
- 5. La création du patron et du modèle
Après avoir déterminé le tissu dans lequel sera réalisé le modèle, la Toile est démontée pour servir de trame à l’élaboration du patron. La version définitive du modèle est alors cousue. On établit la fiche de manutention correspondante précisant tous les détails concernant les différentes fournitures (prix, métrage…) ainsi que le temps de travail nécessaire à sa réalisation.
©Yves Saint Laurent – fiche de manutention de la robe de mariée dite « Shakespeare », coll. automne hiver 1980 // ©Yves Saint Laurent – robe de mariée dite « Shakespeare », coll. automne hiver 1980
- 6. Les derniers essayages avant validation
Le modèle peut enfin être soumis à l’avis du créateur avant validation. Il faudra encore 2 à 3 essayages sur modèle vivant et de nombreuses retouches avant que celui-ci ne valide définitivement le modèle. En parallèle, on commence à établir les planches de collection qui permettent d’envisager le futur défilé dans sa globalité.
©Yves Saint Laurent – Planche de collection, collection haute couture printemps-été 2002
Dans le domaine de la Haute Couture, rien ne vaut une démonstration par l’exemple, alors pourquoi ne pas aller juger sur pièces ? La collection haute couture de la Fondation Yves Saint Laurent constitue un fonds inestimable : près de 5 000 modèles ont été archivés durant quarante ans et conservés dans les meilleures conditions. Ce véritable trésor est aujourd’hui réparti entre Paris et Marrakech où se trouvent les deux musées dédiés au célèbre créateur. Deux lieux incontournables pour tous les passionnés de mode, qui offrent l’opportunité de redécouvrir l’univers et le parcours de cet immense couturier à travers ses pièces les plus emblématiques.
Déposez gratuitement votre projet sur Textile Addict,Besoin d'un styliste modéliste freelance ?
recevez des devis qualifiés et sélectionnez le prestataire idéal.
A lire :
La création d’une collection de vêtements (avec ou sans imprimés)