La fibre de crabe (Chitine)

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| Mis à jour 07/2025 |

 

La fibre de crabe, également connue sous le nom de chitine, est une matière première textile fabriquée à partir de carapaces de crustacés. Ces déchets marins permettent de produire une fibre textile artificielle biodégradable. Découverte en 1811 par le chimiste français Henri Braconnot à partir d’un champignon, la chitine est le deuxième biopolymère le plus abondant sur Terre après la cellulose. Présente dans les exosquelettes de crustacés, les parois cellulaires des champignons, les algues et les insectes, elle partage de nombreuses propriétés avec la cellulose végétale, notamment sa structure et ses fonctions organiques. Transformée en fibre textile par un procédé viscose, la chitine offre une alternative durable et renouvelable pour l’industrie textile, en particulier dans les secteurs médicaux et de l’habillement. Grâce à sa biocompatibilité exceptionnelle, elle est particulièrement prisée pour des applications comme les fils de suture, les pansements, ou encore les vêtements pour enfants et les textiles de sport. En tant que ressource renouvelable, elle est une candidate idéale pour produire des biomatériaux utiles dans différents secteurs textiles. Découvrons les caractéristiques uniques de la chitine, son procédé de fabrication, ses applications variées et son potentiel pour répondre aux enjeux de durabilité dans l’industrie textile.

 

 

Histoire de la fibre de crabe

 

La chitine est l’un des biopolymères les plus abondants sur terre (le deuxième, juste après la cellulose). On la trouve dans la carapace des crustacés ainsi que dans les algues, les champignons ou les exosquelettes d’insectes et d’arthropodes. 

Ce polymère naturel a de nombreux points communs avec la cellulose des végétaux : structure, fonction organique… 

Il a été isolé pour la première fois en 1811 par un chimiste français, Henri Braconnot, à partir d’un champignon. 

En 1859, son traitement avec de l’hydroxyde de potassium a permis d’obtenir du chitosane, soluble en milieu acide (contrairement à la chitine). 

La chitine et le chitosane sont aujourd’hui produits à des fins commerciales. Ils trouvent de nombreuses applications dans le secteur biomédical / pharmaceutique, cosmétique, agroalimentaire… mais aussi dans l’industrie textile !

 

 

Gros plan sur des fibres de chitine issues de carapaces de crabe, une matière textile biodégradable et durable, utilisée dans les vêtements et textiles médicaux.

 

 

Fabrication de la fibre de crabe

 

Procédé de fabrication de la chitine

La carapace des crustacés n’est pas seulement composée de chitine, mais également de calcium et de protéines dont il faut la débarrasser afin de la rendre exploitable en tant que fibre textile. 

Broyage : Après avoir été broyée, la poudre de carapace est déminéralisée dans de l’acide chlorhydrique.

Déprotéinisation et décoloration : l’hydroxyde de sodium (soude caustique) permet d’obtenir de la chitine, de couleur blanche. 

Après avoir été isolée et réduite en poudre, la chitine suit le procédé viscose afin d’être filée. Elle est ensuite mélangée à de la viscose en proportion variable. Ce mélange permet d’obtenir différents types de fibres et de réduire le coût de production.

 

Production

Les crustacés, y compris le zooplancton, produisent environ 2,3 milliards de tonnes de chitine par an. On estime que leur capture pourrait en fournir chaque année 75 000 tonnes.

Aujourd’hui, la majeure partie de la chitine disponible sur le marché est produite en Asie. 

En France, plusieurs entreprises se sont spécialisées dans ce secteur en pleine croissance (+15 % par an). La plus connue, France Chitine, tire essentiellement sa production de carapaces de crustacés et de « plumes » (sorte de coquille interne) de calamars. 

Les sociétés SFly Proteins (installée à Grenoble) et prochainement Alpha Chitin-Comgraf (à Lacq) proposent de la chitine et du chitosane issus de bio-ressources plus diversifiées : du krill, mais aussi des larves d’insectes ou du mycélium.

La chitine permet d’obtenir des fibres textiles biodégradables à haut potentiel tout en valorisant les déchets, mais les process de fabrication actuels lui confèrent une empreinte environnementale forte.

 

Propriétés de la fibre de chitine

  • Biodégradable
  • Non toxique
  • Biorésorbable (peut être résorbée par l’organisme)
  • Bon pouvoir absorbant
  • Antibactérienne et antifongique
  • Favorise la cicatrisation

 

Applications

Les propriétés naturelles de la « fibre de crabe » et sa compatibilité avec notre organisme en font une fibre très utile dans le secteur de la biotechnologie et des textiles médicaux (chirurgie, soins post-traumatiques et post-opératoires, dermatologie), notamment dans le traitement et la prévention des lésions. Elle est ainsi employée pour la fabrication de fils de suture, pansements, compresses, collants et chaussettes pour personnes diabétiques…

Dans l’habillement, on retrouve la chitine dans certains sous-vêtements et vêtements pour enfants. Les débouchés sont nombreux dans le domaine des vêtements de sport, vêtements de travail et le linge de toilette.

 

 

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La chitine : une réponse aux tendances de durabilité dans l’industrie textile

 

L’industrie textile fait face à une pression croissante pour adopter des pratiques plus durables, motivée par les préoccupations environnementales et la demande des consommateurs pour des produits écoresponsables. Selon le Textile Exchange Materials Market Report 2024, la production mondiale de fibres a atteint 124 millions de tonnes en 2023, avec une part croissante de fibres durables, bien que les fibres synthétiques à base de combustibles fossiles, comme le polyester (54 % de la production mondiale), dominent encore le marché. Dans ce contexte, la chitine émerge comme une alternative prometteuse, combinant durabilité et performance. Contrairement aux fibres synthétiques traditionnelles, la chitine est biosourcée et biodégradable, réduisant ainsi l’impact environnemental lié à l’accumulation de déchets textiles. Chaque année, environ 2,3 milliards de tonnes de chitine sont produites naturellement par les crustacés et le zooplancton, dont 75 000 tonnes pourraient être valorisées à partir des captures de crustacés. Cette abondance en fait une ressource renouvelable idéale pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 45 % d’ici 2030, comme préconisé par Textile Exchange.

La chitine se distingue également par ses applications polyvalentes. Dans le secteur médical, sa biocompatibilité en fait un matériau de choix pour les textiles médicaux, comme les compresses, les pansements, et les chaussettes pour personnes diabétiques, qui favorisent la cicatrisation et réduisent les risques d’infection grâce à ses propriétés antibactériennes. Dans l’habillement, elle est utilisée pour des sous-vêtements, des vêtements pour enfants, et des textiles de sport, où sa douceur et sa respirabilité sont particulièrement appréciées. Selon un article d’ISPO, les fibres durables comme la chitine s’inscrivent dans la tendance croissante des matériaux biosourcés, aux côtés du lyocell et des fibres issues de déchets alimentaires comme les fibres de banane ou d’ananas. Ces innovations s’intègrent dans une approche circulaire, visant à réintégrer les déchets dans la chaîne de production.

Cependant, la production de chitine n’est pas sans défis. Le processus de fabrication, qui inclut le broyage des carapaces, la déminéralisation à l’acide chlorhydrique, et la déprotéinisation à l’hydroxyde de sodium, peut avoir une empreinte environnementale significative. Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), l’utilisation de produits chimiques dans la transformation des fibres cellulosiques, comme la chitine ou la viscose, nécessite des systèmes en circuit fermé pour minimiser les impacts environnementaux. Des avancées technologiques, comme celles développées par Lenzing pour le lyocell, montrent qu’il est possible de réduire la consommation d’énergie et d’eau dans ces procédés. Pour la chitine, des recherches sont en cours pour optimiser les méthodes de production et réduire l’utilisation de substances chimiques, alignant ainsi cette fibre avec les objectifs de durabilité de l’Union européenne, qui vise à rendre tous les textiles durables, réparables, et recyclables d’ici 2030.

 

Comparaison des fibres durables dans l’industrie textile

Fibre Source Avantages Inconvénients Applications principales Part de marché (2023)
Chitine Carapaces de crustacés Biodégradable, biocompatible, antibactérienne, valorisation des déchets Processus chimique énergivore, coût de production élevé Textiles médicaux, vêtements pour enfants, sport <1 %
Lyocell Bois (eucalyptus, hêtre) Biodégradable, circuit fermé, faible émission, respirant Coût plus élevé que la viscose Vêtements de sport, mode, linge de maison 2-3 %
Coton bio Coton cultivé sans pesticides Naturel, biodégradable, confortable Consommation élevée d’eau pour la culture Mode, vêtements de tous les jours 28 % (coton total)
Polyester recyclé Bouteilles PET, déchets textiles Réduit l’utilisation de ressources fossiles, recyclable Dépendance aux bouteilles PET, défis du recyclage textile-textile Vêtements de sport, mode, ameublement 12,5 %

Source : Textile Exchange (2024), ISPO

 

La chitine s’inscrit également dans la mouvance de l’économie circulaire, un concept clé dans les stratégies de durabilité. Selon un rapport de Springer, la vitesse à laquelle les textiles finissent en décharge (un camion poubelle par seconde) souligne l’urgence de repenser la chaîne de valeur textile. La chitine, en valorisant les déchets de crustacés, contribue à réduire les déchets marins et à créer une boucle vertueuse. Des initiatives comme celles d’A. Sampaio, qui utilise du polyester recyclé teint avec des colorants biologiques, montrent que l’industrie textile peut innover en combinant performance et respect de l’environnement. De plus, la chitine pourrait bénéficier des avancées technologiques dans le recyclage fibre-à-fibre, qui, selon une étude de MDPI, pourrait permettre de recycler 70 % des déchets textiles européens d’ici 2030. Ces développements renforcent le potentiel de la chitine comme matériau d’avenir, capable de répondre aux besoins des consommateurs tout en réduisant l’empreinte écologique.

 

 

La fibre de crabe (chitine) représente une innovation majeure dans l’industrie textile, alliant durabilité, biocompatibilité, et polyvalence. En valorisant les déchets de crustacés, elle répond aux défis environnementaux actuels tout en offrant des applications prometteuses dans les secteurs médicaux, de la mode, et du sport. Malgré les défis liés à son processus de fabrication, les avancées technologiques et l’engagement croissant envers l’économie circulaire positionnent la chitine comme une fibre d’avenir. En adoptant des matériaux biosourcés comme la chitine, l’industrie textile peut progresser vers un modèle plus durable, répondant ainsi aux attentes des consommateurs et aux objectifs environnementaux mondiaux.

 

 

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Elsa Laurent

Designer dans l’industrie textile en habillement et en ameublement, je suis co-fondatrice de Textileaddict.me depuis 2017. J'aime partager mes connaissances et bons plans du textile mode et maison. Mon objectif : permettre aux acteurs du secteur de se mettre facilement en relation pour développer leurs projets.

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