
| Mis à jour 11/2025 |
Les araignées sécrètent naturellement un fil de soie léger, flexible et d’une extrême solidité. Véritable prouesse d’ingénierie biologique, cette fibre fascinante intrigue les scientifiques depuis des décennies. Tissée à température ambiante, sans recours à des produits chimiques ni à une grande dépense d’énergie, la soie d’araignée est considérée comme l’un des matériaux textiles naturels les plus résistants au monde. À diamètre égal, elle peut se révéler plus résistante que l’acier, tout en étant beaucoup plus élastique et légère.
Au-delà de sa robustesse, elle possède des propriétés exceptionnelles d’absorption, d’imputrescibilité et d’adaptabilité. Ces caractéristiques expliquent pourquoi l’industrie textile, la recherche en biomatériaux et les laboratoires de biotechnologie s’y intéressent de près. De la conception de vêtements techniques à la création de dispositifs médicaux, la soie d’araignée suscite un immense espoir : celui de combiner les performances de la nature avec les innovations humaines.
Mais avant de pouvoir en produire à grande échelle, il faut comprendre comment cette fibre protéique est fabriquée dans le monde animal. Car derrière la finesse d’un fil à peine visible se cache un processus biologique complexe, minutieusement orchestré par l’araignée elle-même.
Production de la soie d’araignée
La fabrication de la soie d’araignée est un processus à la fois naturel et d’une précision remarquable. Chaque fil résulte d’une combinaison complexe de sécrétions, de transformations chimiques et de gestes instinctifs propres à l’araignée. Avant de pouvoir tisser sa toile ou envelopper ses proies, elle doit d’abord produire cette matière aux propriétés exceptionnelles, directement dans son propre organisme.
L’appareil séricigène de l’araignée
Une araignée produit environ 1 mm de fil/seconde, d’un diamètre de 25 à 70 millièmes de millimètre selon les espèces. Son abdomen abrite jusqu’à 8 glandes séricigènes, reliées à des filières. Chaque glande produit un type de soie spécifique qui peut être sèche, gluante, adhésive ou cotonneuse en fonction des besoins (fabriquer un cocon ou une toile, se déplacer, capturer des proies ou les conserver…)
Procédé de fabrication de la soie d’araignée
La soie d’araignée naturelle est exploitable en tant que fibre textile : elle peut être filée et tissée. Malheureusement, sa production est longue et contraignante. Les seuls « fournisseurs » au monde se trouvent à Madagascar, mais ne produisent qu’une infime quantité de soie.
Les tisseurs malgaches travaillent de manière artisanale. Ils tirent la fibre d’une espèce d’araignée locale : la Néphile dorée. Bien que cette espèce soit très productive (4 km de fibre par mois) son élevage est impossible en captivité, la Néphile se nourrit de ses propres congénères. Il faut donc capturer les araignées dans la nature, prélever leur fil à la main, puis les relâcher.
Bon à savoir : bien que la fabrication de la soie d’araignée puisse paraître simple à première vue, il s’agit en réalité d’un travail extrêmement minutieux et chronophage. Pour illustrer cela, une cape de soie d’araignée exposée à New York en 2009 a nécessité près de 4 ans de confection. Cette pièce unique, d’environ 1 mètre de large sur 2,50 mètres de long, a mobilisé le travail de 70 personnes et environ un million d’araignées. Chaque fil a dû être prélevé à la main, avec une patience et une précision remarquables, avant d’être assemblé pour former le textile final. Ce projet illustre parfaitement la difficulté de produire de la soie d’araignée à grande échelle et explique pourquoi elle reste aujourd’hui un matériau rare et précieux.
Les propriétés de la soie d’araignée
La soie d’araignée est une fibre naturelle protéique, un matériau polymère constitué de protéines longues et filamenteuses (fibroïnes) principalement composées d’acides aminés (glycine et alanine).
La configuration des molécules qui composent le fil varie en fonction des conditions extérieures (écarts de température, humidité ambiante). Les propriétés chimiques et mécaniques de la soie d’araignée permettent par exemple aux toiles de résister au poids des gouttelettes d’eau sans céder, par « supercontraction ».
Le degré de solidité, de souplesse et d’extensibilité de la fibre d’araignée en fait un matériau plus performant que les meilleures fibres synthétiques et plus résistant à la rupture que l’acier ou le Kevlar.
Voici ses avantages :
- Solidité
- Ductilité (se déforme sans se rompre)
- Résistance à la traction
- Résistance à l’eau et capacité d’absorption (similaire à la laine)
- Imputrescibilité
- Résistance aux acides les plus concentrés
- Absorption de l’énergie, des oscillations, non-torsion
Composition de la soie d’araignée
La soie d’araignée est constituée de plusieurs composants distincts, chacun jouant un rôle précis dans ses propriétés mécaniques exceptionnelles.
- Cristalline (63 %) : formée de feuillets β riches en alanine, organisés en cristaux de 2 à 5 nm, cette structure hydrophobe confère à la fibre sa solidité, comparable à celle de l’acier.
- Amorphe (22 %) : constituée d’hélices alpha riches en glycine, cette portion souple permet à la fibre de s’allonger jusqu’à 35 %, assurant son élasticité.
- Autres (15 %) : eau et matières grasses, qui participent à la stabilité et à la résilience du fil.
De plus, de rares zones semi-cristallines relient les feuillets aux segments amorphes, renforçant l’intégrité du fil. Ces structures ont été révélées grâce à des simulations informatiques, permettant de comprendre le fonctionnement unique de cette fibre naturelle.

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L’avenir de la soie d’araignée et ses applications
Les tentatives d’élevage d’araignées ont démontré que la production de fibre naturelle d’araignée était inenvisageable à grande échelle.
En revanche, la biotechnologie et le séquençage génétique permettent de synthétiser des biomatériaux, et même de les doter de nouvelles propriétés. La voie de la transgenèse (transmission d’un « gène codant » à un animal ou un végétal) est donc privilégiée pour arriver à produire de la « soie d’araignée synthétique » en abondance.
Plusieurs expériences ont été menées sur des vers à soie, des chèvres, des bactéries, des plants de pommes de terre ou de tabac modifiés génétiquement, avec plus ou moins de succès.
En 2000, 12 chèvres génétiquement modifiées par Nexia Biotechnologies ont produit un lait contenant des protéines de soie d’araignée, mais cette teneur en protéines était aléatoire.
The North Face et la soie d’araignée synthétique
En 2019, The North Face a mis au point un modèle de parka nommé « Moon » dont la couche extérieure est composée de soie d’araignée synthétique. Pour ce projet, la marque a collaboré avec Spiber, une start-up biotech japonaise spécialisée dans la conception et la production de protéines synthétiques. Spiber a modélisé par ordinateur le code génétique des acides aminés de la soie d’araignée. Cette modélisation a permis de recréer une protéine « sur-mesure » (débarrassée de ses propriétés de supercontraction qui auraient amené le textile à rétrécir une fois mouillé). Ce code a ensuite été transféré dans la bactérie Escherichia coli, capable de produire des fibres par fermentation. La fibre obtenue est un textile résistant, imperméable, écologique et biodégradable mais pour l’instant, son coût est 10 fois plus élevé que celui du nylon.
➜ À titre d’information, les 50 premières parkas « Moon » se sont vendues 150 000 ¥ chacune, soit environ 1 250 € par pièce.
Kraig Biocraft Laboratories : une société spécialiste de la soie d’araignée
La société américaine Kraig Biocraft Laboratories est spécialisée dans la conception de soies d’araignée « recombinantes » qu’elle produit à partir de vers à soie transgéniques. Elle a déjà développé une vingtaine de fibres de soie d’araignée différentes destinées à des applications militaires, industrielles ou grand public. La première fut la Monster Silk, un textile technique plus performant que la soie traditionnelle créé en 2014. En 2018, l’armée américaine a testé les performances balistiques de la fibre Dragon Silk, si légère et résistante qu’elle s’avère une candidate idéale pour confectionner des gilets pare-balles. Des « fibres de génération 3 » biocompatibles, destinées à des applications techniques et médicales sont également en cours de développement.
La soie d’araignée : un potentiel unique
Face à la demande croissante de fibres techniques de haute performance, le potentiel de la soie d’araignée composite est énorme. De toute évidence, cette soie d’araignée du futur sera produite par des bactéries ou des vers à soie. Ces « super-fibres » dotées de propriétés exceptionnelles ont une voie toute tracée dans le secteur de l’habillement et des vêtements techniques, mais aussi dans le domaine médical (fils de suture, tendons ou ligaments artificiels) et dans l’industrie (construction, robotique…)
FAQ :
Quel est le prix de la soie d’araignée naturelle ?
Estimer le prix de la soie d’araignée véritable reste aujourd’hui très difficile, voire impossible. On sait cependant qu’elle figure parmi les tissus les plus chers au monde, et de loin.
Quel est le fil le plus résistant du monde ?
Le fil le plus résistant du monde est la soie d’araignée. Malgré sa finesse, elle possède une combinaison unique de solidité et d’élasticité, capable de supporter beaucoup plus de tension que l’acier à poids égal.
Peut-on acheter de la soie d’araignée naturelle en France ?
Il est impossible d’acheter de la soie d’araignée naturelle dans un magasin classique en France. Cette soie est extrêmement rare et difficile à produire en quantité suffisante, car les araignées sont cannibales et ne filent que de très petites longueurs de fil. Elle n’est donc disponible que dans des expérimentations scientifiques ou des projets très limités, et reste inaccessible au grand public.
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