Josep Grau-Garriga©Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine
L’histoire de la tapisserie française à travers la visite du Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine
Le Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine d’Angers est un temple dédié à l’histoire de la tapisserie française du XXe siècle à nos jours. Grâce à une scénographie orchestrée en six salles, le visiteur découvre ainsi une soixantaine de tentures dont celles des plus grandes figures emblématiques : Jean Lurçat, Thomas Gleb et Josep Grau-Garriga. Visite guidée.
Commençons ce parcours chronologique avec le célèbre peintre, céramiste et licier Jean Lurçat (1892-1966) dont sa réputation artistique en perpétuelle évolution s’est forgée au fil du temps, via ses nombreuses rencontres et ses divers voyages.
Dès son plus jeune âge, il fait réaliser par sa mère ses premiers canevas. Après la Première Guerre mondiale, il présente ses tapisseries au cours d’expositions (Zurich, Paris), conçoit des décors, des costumes pour des spectacles et des films. Puis, s’impliquant fortement dans des expositions collaboratives (Anvers, Paris, Vienne), le mouvement surréaliste l’inspire considérablement. C’est ainsi, que nous suivons sa trace à travers des monographies et des tapisseries de guerre. Une pièce exceptionnelle, L’Archer (1927) fut tissée en premier lieu par sa mère avant d’être reprise par sa première femme et muse Marthe Hennebert. Telle une mise en scène de théâtre, cette œuvre représente une femme nue à dos de cheval, visant de son arc un archer. De qui, l’homme ou la femme décochera l’autre en premier ?
le Le chant du monde – Jean Lurcat©Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine
En se reposant sur ses innombrables recherches et sa fascination pour la tapisserie médiévale, Jean Lurçat aboutit à différentes techniques dont la simplification de la palette de couleurs, le tissage à gros points et le carton numéroté. En 1937, à Angers, Lurçat remarque la Tenture de l’Apocalypse (XIVe siècle) qui va bouleverser considérablement sa pensée artistique. À tel point, en son honneur, en 1956, il se lance dans un projet faramineux : Le Chant du Monde. Exposé depuis 1968 au sein de l’hôpital Saint Jean d’Angers, ce chef-d’œuvre constitué d’un ensemble de dix tapisseries est un hymne voué au monde où l’homme finit par y vivre en totale harmonie.
salle Thomas Gleb©Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine
Revenons au Musée ! Nous pouvons y admirer également les réalisations de la future génération (Jacques Lagrange, Robert Wogensky) où l’influence de Jean Lurçat côtoie l’abstraction lyrique. À présent, notre excursion nous conduit auprès de l’artiste aux multiples casquettes Thomas Gleb (1912-1991). Encouragé par Pierre Daquin, il s’approprie un langage technique et esthétique inédit. Grandement influencé par son éducation juive, il conçoit Les Tables de la Loi (1968-1969) où la tenture est rythmée par des points simples à triples permettant de jouer sur la profondeur de la matière.
S’ensuit un espace consacré aux nouveaux acteurs contemporains des années 1970 nommé « Nouvelle tapisserie » : Pierre Daquin, Magdalena Abakanowicz, Patrice Hugues…
Dans la continuité de ce mouvement, nous achevons notre voyage en compagnie de l’artiste catalan Josep Grau-Garriga (1929-2011). Travaillant en collaboration avec Miro et Picasso, il abandonne le style traditionnel pour en définir une approche inédite du métier de haute lice sans carton : association des matières, ajouts de textures, contrastes colorés. Il devient ainsi l’un des précurseurs de l’École catalane de tapisserie.
Amb O Sense fruit, Avec ou sans recolte – Josep Grau-Garriga©Musée Jean-Lurçat et de la Tapisserie contemporaine
Marqué par la dictature franquiste durant son enfance, cet artiste engagé a œuvré toute sa vie pour la paix. Amb O Sense fruit, Avec ou sans récolte (2001) est une tapisserie représentative de cette période austère. La forte odeur du raphia et du sisal, la douceur de la laine et de la soie jaune, les sacs de juste plus ou moins pleins sont annonciateurs d’abondance ou de famine.
La tapisserie, cet art décoratif est un judicieux mélange de matières qui permet de mettre en éveil ces sens, et ce, à différents niveaux : vue, toucher, odorat jusqu’aux souvenirs…
Voir les oeuvres : musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine à Angers
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