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Lorsque l’on a entre les mains un ruban velouté, bien difficile d’imaginer tout le travail qui a permis d’arriver à ces motifs en relief d’une magnifique élégance. Et pourtant, pour en arriver à cette qualité de travail, il aura fallu tout le talent d’un métier peu connu, celui de sabreuse de rubans. Un véritable métier d’art, pratiqué entre autres par Yvette Faure, l’occasion donc de revenir également sur le parcours exceptionnel de cette sabreuse de velours couronnée par un titre de Meilleur Ouvrier de France.
Le sabrage
Le sabrage est un des procédés de l’ennoblissement du textile qui donne à une étoffe son aspect final. Le sabrage, aussi appelé velours au sabre, permet de créer des motifs veloutés en relief. Au milieu du XIXe siècle, il est pratiqué par un soyeux stéphanois, Charles Rebour.
Le tissage de l’étoffe terminé ; un satin de soie tissé « double chaîne » ; le motif est plat et plutôt mât. Afin de lui donner l’aspect velours, il reste une dernière étape, le sabrage, qui consiste à découper fil à fil, rang après rang les boucles du tissage. Cette opération est réalisée à la main à l’aide d’un sabre (rasoir très effilé et tranchant).
Le geste doit être sûr, précis, irréprochable et régulier car tout dérapage serait fatal à la pièce de tissu. Puis, les fils après un brossage à chaud se redressent et donnent l’épaisseur et le soyeux du velours. Ce travail manuel qui exige l’excellence dans la précision, la minutie dans le geste et la maîtrise parfaite du sabre fait de sa pratique un métier d’Art.
L’histoire d’une sabreuse de rubans devenue Meilleur Ouvrier de France
Dans la Loire, à Firminy, Yvette Faure a été une sabreuse de rubans talentueuse et novatrice qui a toujours mis un point d’honneur à transmettre au mieux son savoir-faire. Retour sur un parcours exigeant :
Depuis l’âge de 6 ans, Yvette Faure travaille dans le cadre familial sur le velours, comme avant elle, l’on fait son arrière-grand-mère, sa grand-mère et sa mère. A l’âge de 23 ans, pour les maisons Vilaret, Bucol et Staron, elle prend la succession de ses grands-tantes qui dirigeaient déjà des ouvrières pour sabrer le velours. Indépendamment des membres de sa famille, elle commence aussi à former des ouvrières qui travaillent comme elle, soit au métrage, soit à la pièce. Elle aura jusqu’à 45 personnes sous sa responsabilité et travaille pour la Haute Couture.
©Yvette Faure
Elle est sollicitée dans les années 80 par le tisserand Georges Vivier Merle pour sabrer un ruban d’arlésienne. Après plusieurs tentatives, le premier ruban est tissé et prend vie sous son sabre. Elle participe ainsi à faire perdurer la production de ruban avec Alain Vivier Merle, successeur de son père Georges et cinquième génération de tisserand passementier, il obtiendra le titre de Meilleur Ouvrier de France en 1986.
Ces rubans seront vendus aux Baux de Provence, d’où l’appellation de « ruban des Baux« . Et en 1994, le titre de Meilleur Ouvrier de France vient à son tour couronner la carrière d’Yvette Faure.
En 2010, cette technicienne passionnée continue de former des stagiaires à la découpe manuelle du velours au sabre pour transmettre sa technique et son savoir-faire.
En novembre 2014, l’heure d’une retraite bien méritée approchant, Yvette Faure passe le relais à l’association « Li Decouparello de Velout », créée en 2011, par ses 12 premières stagiaires, pour pérenniser les connaissances sur le sabrage du ruban d’Arlésienne, pièce maîtresse du costume d’Arles.
Elle valide alors 7 « decouparello » les estimant en capacité (après 5 années de pratique et l’examen d’un travail présenté) de poursuivre la transmission de son savoir-faire en formant à leur tour de nouvelles « decouparello ». Cette même année, Alain Vivier Merle, très impliqué dans la transmission de la pérennisation du sabrage de rubans, a passé la main à Nicolas Compigne, jeune tisserand à Rozier-en-Donzy, quatrième génération de tisserand-passementier.
Aujourd’hui, le relais continue de se faire de sabreuses en sabreuses et auprès du grand public avec la mise en place régulière d’ateliers. Grâce à l’implication de tous ces acteurs pour que ce métier de précision, de minutie et de maîtrise du sabre, ne disparaisse pas définitivement, 55 personnes ont été initiées à la découpe du velours au sabre depuis 2010 et 3 « decouparello », issues de l’association « Li Decouparello de Velout », ont créé leur autoentreprise.
Sabreuse de rubans, un métier au titre exotique et qui pourtant puise son origine dans nos traditions textiles les plus nobles. Un métier d’art ancien qui perdure grâce à des sabreuses comme Yvette Faure, une ouvrière du sabrage qui a l’étoffe d’une artiste !
A NOTER
Pour contacter l’association « Li Decouparello de Velout » : [email protected]
Pour découvrir le métier de sabreuse de rubans :
Biennale autour du Fil organisée par l’association « De Soie d’Or et d’Argent »
Thème : Année de la broderie
Du 5 au 7 octobre 2018, à Fanjeaux (11 270)
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