« Trouver son monde » est la dernière exposition textile proposée par la Galerie du 19M à Paris, pour mettre en lumière les Métiers d’art appliqués mode et déco. Gratuite, cette exposition collective ouvre ses portes jusqu’au 14 décembre 2025, invitant professionnels, artisans et passionnés à explorer la transmission des gestes et des récits à travers des œuvres contemporaines. Réunissant 17 créateurs de la scène française en collaboration avec quatre Maisons d’art résidentes du 19M, elle illustre parfaitement comment les techniques textiles ancestrales, comme la broderie, le plissé ou le travail du flou, se réinventent pour raconter des histoires intimes et collectives.
Un parcours immersif en quatre chapitres
L’exposition est structurée autour de quatre chapitres thématiques, chacun explorant une facette de la transmission : Éterniser les gestes, Réciter les liens, Arpenter les lieux et Chercher les siens. Ce découpage permet de plonger dans un dialogue inédit entre création contemporaine et savoir-faire artisanaux, avec un focus sur des techniques textiles qui transforment la matière en mémoire vivante.
Chapitre 1 : Éterniser les gestes
Ce premier chapitre met en avant la reproduction des gestes hérités, souvent familiaux ou culturels, pour préserver un patrimoine ancestral face à la modernité. Les œuvres ici questionnent l’héritage à travers des pratiques manuelles répétées, comme le modelage, le tissage ou la broderie.
Par exemple, Nina Jayasuriya, d’origine sri-lankaise et espagnole, présente des céramiques mémorielles inspirées des objets du quotidien de son enfance, comme des chaussures ou des cartes postales. En collaboration avec la Maison Paloma, spécialisée dans le flou et le plissé, elle crée No jealous One & Only colours, une installation textile suspendue utilisant la technique du batik (teinture à réserve de cire) combinée au smock et à des broderies trompe-l’œil en crêpeline de soie. Des chaussettes et gants upcyclés, brodés à la main, ornent l’œuvre, fusionnant rituels traditionnels et visuels contemporains.
Autre exemple : Kenia Almaraz Murillo, héritière d’une famille de tisserandes boliviennes, expose des sculptures textiles murales comme Ekeko et Ferro Bus. Ces pièces confrontent motifs indigènes traditionnels à des éléments urbains modernes (pare-chocs de voitures recyclés), brouillant les frontières entre naturel et artificiel via des techniques de tissage et d’assemblage textile.
Chapitre 2 : Réciter les liens
Ici, l’accent est porté sur la transmission culturelle via des récits oraux, des histoires partagées par la parole, la musique ou la danse. Les œuvres rendent hommage à des figures et communautés, en utilisant le textile pour faire résonner des mémoires fragmentées.
Émeline Amétis, artiste franco-caribéenne, dévoile Les Derniers Atlantes, une carte textile bleue réalisée en collaboration avec Paloma. Superposant trois couches de tissu via le procédé du cyanotype (impression photographique sensible à la lumière), elle recrée l’île mythique de l’Atlantide, interrogeant les origines des peuples afro-caribéens. Cette technique allie ennoblissement textile et superposition pour symboliser des territoires multiples.
© le19M – Ismaël Bazri
Chapitre 3 : Arpenter les lieux
Ce chapitre aborde les déplacements réels ou symboliques qui façonnent notre rapport aux espaces. Les œuvres deviennent des miroirs d’architectures sensibles, souvent via des techniques de broderie ou de plissé pour représenter des territoires habités.
Rakajoo (Baye-Dam Cissé) réinterprète le masque du Rakajoo en collaboration avec la Maison Lesage, utilisant la broderie pour célébrer le pluralisme culturel. La silhouette brodée intègre perles et motifs ancestraux, témoignant des dynamiques communautaires dans le nord de Paris.
Eden Tinto Collins propose une itération de sa série A Pinch of Kola, avec costumes et décors brodés par Lesage. Les motifs médiévaux augmentés et modernisés permettent des voyages temporels, mêlant science-fiction et techniques de broderie haute couture.
Chapitre 4 : Chercher les siens
Le dernier chapitre explore les liens affectifs tissés dès l’enfance, dans des sphères familiales ou communautaires. Les artistes entremêlent réel et imaginaire pour transiter à travers les âges.
Maty Biayenda interprète une maison de poupées textile en collaboration avec Lemarié (broderie) et Atelier Lognon (plissé). Sur des mousselines transparentes, des visages s’impriment via plissé plat, plissé bateau, plissé Watteau et broderie, explorant l’identité afro-descendante et queer. Cette œuvre utilise des termes comme « doll house » pour évoquer la culture voguing, tout en conservant une transparence qui symbolise la fluidité des liens.
Ismaël Bazri, en partenariat avec Atelier Montex, fige une scène de jeu vidéo dans une broderie 3D avec perles, sequins et paillettes, convoquant souvenirs d’enfance et techniques d’ornementation textile.
© le19M – Ismaël Bazri
Les quatre Maisons d’art résidentes du 19M : Pilliers des savoir-faire textiles
Le 19M, hub initié par CHANEL et conçu par l’architecte Rudy Ricciotti, abrite ces Maisons d’art qui perpétuent des techniques d’excellence. Voici un aperçu détaillé :
- Paloma : Fondée en 1982, cette Maison excelle dans le plissé artisanal et le travail des volumes textiles. Elle conjugue gestes traditionnels et innovations pour créer des plissés sur-mesure, explorant formes et textures pour la haute couture. Au 19M depuis 2021, elle transmet ces savoir-faire aux nouvelles générations.
- Lesage : Depuis 1924, Lesage incarne la broderie d’art française, fournissant les grandes maisons de couture. Ses archives, les plus riches au monde, inspirent des motifs innovants, mêlant tradition et modernité. Membre de CHANEL depuis 2002, elle forme via son école les artisans à la précision de la broderie.
- Atelier Montex : Créé en 1949, cet atelier de broderie propose des échantillons virtuoses pour le prêt-à-porter de luxe et la décoration. Labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant en 2013, il innove sous la direction d’Aska Yamashita, repoussant les limites de la broderie avec des influences contemporaines.
- Lemarié et Atelier Lognon : Lemarié, fondée en 1880, maîtrise l’art de la plume, des fleurs en tissu et de l’ennoblissement textile (smocks, plissés, incrustations). Intégrant Atelier Lognon (spécialiste du plissé depuis 1853) en 2013, elle crée pour CHANEL et d’autres, utilisant une vaste collection de moules pour des plissés créatifs et originaux.
Une programmation pour s’initier aux techniques textiles
Au-delà des œuvres, l’exposition propose des ateliers pratiques, alignés sur notre intérêt pour les formations dans le textile. Un atelier collaboratif géant avec Éléa-Jeanne Schmitter et Atelier Montex invite à broder un abécédaire choral inspiré des plaques Pioneer de la NASA. Des sessions payantes animées par des artistes comme Kenia Almaraz Murillo ou Nina Jayasuriya couvrent broderie, impression et création textile. Ajoutez des nocturnes gratuites et les Dimanches du 19M FM pour des échanges sur les métiers.
Ne manquez pas non plus le Café du 19M, où le chef Victor Legrand sublime des produits sourcés avec exigence, dans un esprit artisanal.
Pour les addicts du textile, Trouver son monde est une opportunité idéale pour explorer comment les techniques comme la broderie ou le plissé nourrissent la création contemporaine. Rendez-vous à la Galerie du 19M (2 place Skanderbeg, 75019 Paris) jusqu’au 14 décembre 2025 !
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