
Le Made in France est tellement à la mode, que la mode s’empare de plus en plus du phénomène. Il faut dire que plusieurs études l’indiquent, une majorité de français semble désormais prête à payer plus cher pour acheter français. Cocorico ! Tour d’horizon d’un phénomène essentiel au développement de l’industrie du textile ou comment faire pour que cette mode ne soit pas juste… une mode !
Le Made in France a le vent en poupe
Une évidence : la crise économique, le chômage et les délocalisations ont fait prendre conscience aux français qu’il est important de consommer local afin de préserver, sans jeu de mot, le tissu industriel français. Et, forcément, le secteur du textile suit la marche !
C’est ce que confirme Richard Préau, fondateur de la plateforme d’accompagnement et de conseils Mode Made in France : » En 2016, les achats de prêt-à-porter Made in France représentaient 5% du volume total, mais c’est, chaque année, de mieux en mieux. C’est encourageant, certains experts prédisent que ce pourcentage pourrait atteindre 15 à 20 % très rapidement. Ce serait vraiment un beau chiffre pour notre industrie car cela aurait un impact fort sur l’emploi ! «
Un patriotisme économique doublé d’une envie de transparence, d’authenticité et, peut-être surtout, de justice sociale. Agnès Etame-Yescot, commissaire du salon Made in France – Première vision, en est convaincue : » Le consommateur est très averti. Avec les réseaux sociaux, il sait aujourd’hui qu’un vêtement acheté Made in « Ailleurs » et surtout Made in « Asie » est susceptible d’être fabriqué dans des conditions environnementales et sociales très dégradées ! »
Richard Préau de Mode Made in France a le même avis : « Ce besoin de transparence et de traçabilité se diffuse dans de nombreux secteurs et plus particulièrement dans la mode. Les consommateurs veulent des vêtements dits « propres », socialement et écologiquement. Le travail des enfants et les ateliers-usines en Asie du sud-est choquent l’opinion ! »
salon Made in France – Première Vision ©Nicolas Rodet
Financement, fournisseurs, main d’œuvre : les galères du Made in France
Vouloir du Made in France, c’est bien, réussir à le fabriquer, c’est encore mieux. Et pourtant, de nombreux jeunes entrepreneurs du secteur, ne disposant ni d’apport, ni de bilan comptable nécessaire pour prouver qu’ils ne prennent pas trop de risques, se voient refuser l’aide des banques… eh oui, pour le système bancaire, la mode est moins à la mode que le secteur du numérique !
Passé la barrière du financement, pas toujours évident non plus de trouver des fournisseurs. Le drômois Max Arnaud, créateur de la marque de linge de maison Dresseur de Tables, a, lui, parfois du mal à se fournir en matière première pour tisser ses collections dans sa propre usine, Alina textiles : » Les difficultés se situent au niveau de certains fournisseurs qui ont quasiment disparus. C’est par exemple le cas, malheureusement, des filatures ! «
Et, tisser local, c’est important car notre entrepreneur accorde beaucoup de place aux critères environnementaux : » notre sous-traitant le plus éloigné est à moins de 150km, notre ennoblisseur est labellisé Oeko-Tex (label garantissant les qualités humano-écologiques des textiles) et, très prochainement, nous travaillerons avec du coton bio afin d’obtenir ce même label ! »
©Dresseur de Tables
Autre point de blocage, la main d’œuvre : » Les difficultés ne sont pas seulement liées au manque de compétences, il y a aussi l’image donnée aux dernières générations par le travail en usine ! Il s’agit pourtant de vrais métiers passionnants – ourdisseur(se), encolleur(se), tisseur(se), noueur(se) – et qui s’apprennent sur la durée ! « , insiste le créateur de Dresseur de Tables.
Autre créateur, autre organisation. En 2014, Caroline Juvin a lancé sa propre marque de lingerie, Fleurs Pois & Cie. Des produits élégants, 100% coton, qu’elle fait fabriquer un peu partout en France : les bas et les nuisettes dans les Landes, l’impression des tissus à Villefranche-sur-Saône et les soutiens-gorge et les culottes dans l’Ain par les anciennes corsetières de Lejaby.
Pourtant, malgré cette organisation parfaite, Caroline pointe du doigt la plus grosse difficulté quand on fait du Made in France : « Le plus dur, c’est d’arriver à planifier et à anticiper pour ne jamais être en rupture de stock. Il est très difficile de trouver de bons professionnels qui répondent à la demande ! « Eh oui, les délais sont souvent longs et peu nombreux sont les fabricants qui ne sont pas rapidement en surcharge de travail. Caroline précise : » Si une collection cartonne aujourd’hui, je suis en rupture de stock demain… et ça, je ne peux ni l’anticiper, ni y remédier ! «
©Fleurs Pois & Cie

Comment bien vendre ses produits Made in France ?
Vendre des produits textiles Made in France, ce n’est pas toujours évident, surtout lorsque la marque n’est pas connue. Il s’agit souvent de produits haut de gamme, relativement chers, la renommée de la marque peut donc parfois faire la différence en la défaveur des jeunes marques !
Mais, au fait, un produit textile fabriqué en France est-il forcément plus cher ? Max Arnaud de Dresseur de tables s’en défend : » Le prix d’un article produit sur le territoire français n’est plus si éloigné du coût d’un produit importé, ce qui n’était pas vrai, il y a encore quelques années. L’explication est assez simple : supprimer les taxes d’importation, réduire les frais de transport et vendre nos produits en direct sur internet nous rend désormais plus compétitifs. »
Etre visible, pour une marque, c’est essentiel. Evidemment, entre la lingerie de Caroline, créatrice de Fleurs Pois & Cie, et une multinationale délocalisée en Asie, ce n’est pas seulement une question de marque, mais bien une question de puissance marketing… On trouve des moyens publicitaires colossaux d’un côté, en partie possible car ils produisent hors de nos frontières, et de l’autre, de la débrouille !
Agnès Etame-Yescot, commissaire du salon Made in France – Première vision, n’est pourtant pas pessimiste, elle en est convaincue : » C’est un secteur en pleine mutation qui va, dans un avenir proche, intégrer toutes les innovations actuelles qui vont être nécessaires pour un service mode tourné vers le 4.0 ! » Bref, une allocation plus efficace des moyens… au marketing, espérons-le !
collection©Fleurs Pois & Cie // salon Made in France – Première Vision ©Nicolas Rodet
Aider à la visibilité lorsque les moyens marketing manquent, c’est la mission de nombreux organismes. Parmi eux, DEFI. Depuis 1984, ce comité accompagne les jeunes créateurs. Clarisse Reille, sa directrice générale, précise leur action : » Nous aidons financièrement les jeunes marques à être présentes sur les salons parisiens et étrangers. Nous soutenons également la fabrication française en aidant les façonniers à se faire connaitre, c’est essentiel ! »
Une mission partagée par Richard Préau de la plateforme Mode Made in France. Elle héberge un certain nombre de professionnels qui aident les jeunes pousses à analyser et auditer leur marché. Il est essentiel aussi de leur mettre le pied à l’étrier en matière de transformation digitale afin de bien communiquer pour mieux vendre et exporter !
Quel avenir pour le Made in France ?
Si l’on en croit les grandes marques qui, désormais, rivalisent d’arguments pour vendre leurs produits fabriqués dans l’hexagone, on peut sans aucun doute envisager sereinement l’avenir du Made in France. La marque Carrefour n’a-t-elle pas lancé sa propre collection de jean Made In France ? Reste à savoir s’il s’agit d’un réel engagement ou d’un simple argumentaire marketing alors que de jeunes créateurs, véritablement Made in France, peinent à sortir du lot et à se faire connaitre !
©Dresseur de Tables
Nos deux créateurs, quant à eux, croient dur comme fer en leur avenir :
Max Arnaud, de Dresseur de Tables, compte bien aller à l’exportation d’ici 2020, sa véritable chance de pérenniser ses emplois et d’en créer de nouveaux. Désormais connu et reconnu au-delà du secteur textile technique, son premier métier, il a créé un poste de responsable marketing et compte bien se servir, à bon escient, des réseaux sociaux !
Dresseur de Tables a participé à notre concours de motifs Made In France 2019 : découvrez les motifs lauréats qui ont intégré la collection de l’entreprise drômoise !
Caroline Juvin souhaite, elle, pérenniser Fleurs Pois & Cie en créant un poste de commercial. Pour cela, elle va faire appel très prochainement à un financement participatif pour se permettre de démarcher les boutiques françaises. Et, bien sûr, elle souhaite continuer d’acheter et de produire en France :
» Pour moi, raisonner Made in France, ce n’est pas être chauvin, c’est une évidence ! «
Pour plus d’info :
- Retrouvez les créations de Dresseur de Tables et Fleurs Pois & Cie
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